Source de vie autant que de conflits, l’eau fait partie des enjeux primordiaux sur le continent africain, à tel point que tout finit par tourner autour de cette précieuse ressource. C’est en tout cas le parti pris par Yann Ecauvre dans la réflexion qui a mené au spectacle Yé ! (précisément « L’eau ! » en langue soussou). Comme un aimant vers lequel tout convergerait, chaque épisode de vie quotidienne porté sur la piste semble irrémédiablement vu par le prisme de l’eau, de ses dérivés ou de ses conséquences.
Les bouteilles de plastique vides, froissées et compactées, s’accumulent sur le plateau, mais seules quelques-unes d’entre elles contiennent encore quelques gouttes que l’on s’envie, que l’on s’arrache. Il y a là de toute évidence une dénonciation de la pollution invasive sur le continent. Mais c’est au-delà de l’image, qui ne choque déjà presque plus, que l’écriture se fait plus intéressante. On a voulu donner à l’eau un prix, celui de la vie, et les comportements humains et sociaux finissent par s’articuler exclusivement autour de ce phénomène.
Par ce fil rouge qui se tend de bout en bout, Circus Baobab donne à voir des performances circassiennes aux qualités indéniables, dans des scènes qui pourtant nous ramènent systématiquement à la réalité brute. De la convoitise de l’eau à son gaspillage, des confrontations qu’elle engendre au partage des ressources résiduelles, les acrobates enchaînent les figures, seuls ou en groupe, mettant à profit chacune de leurs spécialités.
Plus que le propos même du spectacle, c’est aussi tout un panorama social qui ressort comme toile de fond dans Yé !. Puisant dans leur pratique traditionnelle du cirque, les membres de Circus Baobab transmettent alors une énergie débordante et insouciante qui atteint sans difficulté le public, donnant lieu à une célébration commune qui, malgré tout, ne perd pas de vue ses enjeux.
Car la troupe n’a pas pour unique objectif de diffuser ses créations artistiques à travers le monde. Elle accomplit également un travail d’accueil et d’insertion pour les jeunes Guinéens en difficulté permettant, par la pratique de ces disciplines, de leur ouvrir de nouvelles voies et perspectives d’avenir.
En prenant pour prétexte l’une des problématiques les plus marquantes actuellement en Afrique, Yann Ecauvre et Circus Baobab signent un spectacle accessible qui refuse de se satisfaire de la simple démonstration de force, cherchant à rendre visible ce que nous avons tendance à ne pas voir.
