Le concert de Sting au Festival de Nîmes reporté en 2022, ceux de Roger Hodgson (Supertramp) et de Stars 80 déjà annulés, le Zénith Sud de Montpellier qui revoit l’intégralité de son agenda, le Festival de Cannes décalé : voilà bien une époque que nous aurions préféré ne pas revivre.
Début 2020, la pandémie de Covid-19 n’avait pas encore changé notre quotidien. Tandis que plusieurs pays faisaient face à une contamination de plus en plus importante, la France semblait presque épargnée. Pourtant, en quelques semaines, les choses allaient vite se précipiter. Mi-mars, un confinement strict est déclaré, remettant en cause de nombreux évènements culturels. De semaine en semaine, puis de jour en jour, nous apprenions l’annulation d’un concert par ici, le report d’un festival par là. Nous étions loin de nous douter que cette situation durerait plus qu’une saison.
Alors que le Président de la République vient d’annoncer de nouvelles mesures pour endiguer l’épidémie, la prudence et les leçons tirées de l’année dernière pourraient bien avoir refroidi les organisateurs événementiels. Malgré les efforts consentis et les actions menées pour sauver le monde de la culture et de la fête, et en dépit d’un certain optimisme qui poignait depuis quelques temps, force est de constater que les annulations et les reports font à nouveau partie de l’actualité.
Des contraintes à côté de la plaque ?
Certaines institutions n’ont pas attendu les dernières annonces pour annuler leurs rendez-vous. Dès les premières paroles de la Ministre de la Culture Roselyne Bachelot, le 18 février 2021, de grands noms comme le Hellfest ou Solidays ont tout simplement tiré un trait sur leur édition 2021. En cause, des contraintes jugées inadéquates, notamment concernant la jauge maximale de 5000 personnes, en configuration assise, condition sine qua non imposée par le gouvernement pour la tenue des festivals cette année.
D’autres organisateurs ont quant à eux joué la carte de la résilience, un comportement devenu très à la mode en période Covid. Parce qu’on leur laisse entrevoir une possibilité de représentation, les équipes se sont creusé les méninges pour s’adapter aux mesures, repenser l’organisation et le fonctionnement, jongler avec les dépenses, contenter à la fois le public, les artistes et les partenaires… Mais finalement, ne sommes-nous pas en train de revivre un autre printemps 2020, un an plus tard ?
Peu à peu, l’habitude
Souvenez-vous de ces billets que vous aviez achetés des mois à l’avance pour vous rendre au concert de votre artiste préféré, de cette exposition à laquelle vous souhaitiez vous rendre absolument, de ce film si prometteur que vous rêviez de découvrir en salle obscure. Il y a un an, les fils d’actualités des réseaux sociaux se remplissaient de publications toutes similaires : annulation, report, remboursement… Nous jouions alors la surprise à chaque mauvaise nouvelle. Puis le temps passant, nous guettions davantage les événements maintenus, l’annulation étant devenue la norme.
Nous avons cru, durant un été, durant un automne, retrouver rapidement ces espaces culturels et cette ferveur qui nous manquaient tant. Nous avons vu nos pays voisins ne pas reléguer au rang de paria la fête et le partage, cherchant des solutions nouvelles et menant des études bien avant nous. Et même avec un peu de retard, nous nous sommes réjouis de l’annonce de tests menés dans des salles de concerts pour préparer la reprise des activités culturelles. Mais à quel prix ?
La France a-t-elle un problème avec la culture ?
C’est une question que nous soulevions déjà en décembre dernier. Plusieurs mois après, elle reste toujours en suspens, malgré la rage qui ne fait que grandir parmi les syndicats, les intermittents et les administrateurs du monde du spectacle. Les occupations des théâtres et des lieux culturels a beau avoir fait grand bruit dans les médias, les résultats de cette mobilisation ne sont pas au rendez-vous.
La Ministre de la Culture, pourtant proche des milieux culturels, brille par son absence depuis son arrivée aux manettes. Emmanuel Macron, quant à lui, ose à peine prononcer le mot « culture » dans sa dernière allocution. Et lorsqu’il prévoit une réouverture progressive dès le mois de mai, il est difficile de ne pas penser aux espoirs rapidement anéantis déjà subis quelques mois auparavant.
D’un patrimoine à défendre, pourtant essentiel à notre bien-être moral et à notre liberté, l’art devient accessoire, une friandise que l’on garde en récompense pour des citoyens qui ne pourront s’en délecter qu’après avoir rempli leurs obligations. Dans ce combat, reste l’action au niveau local, par laquelle certaines municipalités tentent tant bien que mal d’apporter leur soutien à un secteur à bout de souffle, comme c’est le cas à Montpellier depuis plusieurs semaines, mais pour quel bilan ?
Des spectateurs condamnés à assister à une représentation à travers un écran, des artistes privés d’un public en face-à-face et d’applaudissements nourris, des salles désespérément vides, parfois laissées à l’abandon, forcées de se maintenir à flot via des subventions exceptionnelles… Le spectacle vivant se meurt, et l’on n’y peut rien. Ces spectateurs, ces artistes, ces salles sont pourtant prêts à consentir des efforts, à se soumettre à des contraintes strictes, mais leurs envies, leurs désirs, leurs besoins ne sont pas entendus.
2020 – 2021 : même scénario ?
Si les organisateurs les plus prudents ont choisi depuis des mois de communiquer avec des pincettes, c’est justement pour éviter de devoir revivre la frustration de l’année dernière. Les programmations ont été bouclées pour que, dans le meilleur des cas, les spectateurs puissent vivre un moment inoubliable, mais il y a toujours un plan B qui traîne quelque part. De l’annulation au report, en passant par une version 100% en ligne, 2020 nous aura au moins appris à ne pas nous emballer, à prévoir et à nous adapter.
Et si, comme pour l’équipe de Snobinart, la culture est pour vous une nourriture essentielle, alors espérons que l’année 2021 sera celle qui marquera le retour de tous les arts dans notre quotidien.