« Vis Motrix » par CocoonDance, la mécanique est fluide

Présente à Avignon dans le cadre des Hivernales, la compagnie CocoonDance présentait au Théâtre des Halles la pièce Vis Motrix. Dans cette création de 2018, la chorégraphe Rafaële Giovanola développe un spectacle aussi organique que mécanique.

Peter Avondo
Peter Avondo  - Critique Spectacle vivant / Journaliste culture Les Hivernales
2 mn de lecture

Le corps humain nous est si familier que notre esprit a tendance à s’y référer dès lors qu’il s’agit de donner forme à des créatures imaginaires. C’est pourtant à contre-courant de cet anthropomorphisme que se place la chorégraphe Rafaële Giovanola avec le spectacle Vis Motrix. Effaçant les corps de ses quatre interprètes sous des costumes noirs qui leur confèrent la même silhouette et annihilent leurs identités, l’artiste va précisément chercher dans cette matière humaine ce qui en est le plus éloigné. De glissements en soubresauts, au gré de déplacements orthogonaux qui instaurent des mouvements en contradiction avec une nature chaotique, la metteuse en scène conçoit une pièce qui s’équilibre entre organique et mécanique.

Animés par une force sur laquelle ils semblent n’avoir aucune prise, les corps sur le plateau blanc se font tantôt robots, tantôt insectes. Partis du sol et soutenus par une musique lancinante qui les enveloppe toujours davantage, ils prennent peu à peu conscience de leur propre existence et de celle de leurs semblables, évoluant progressivement avec plus de confiance, de puissance, d’instinct… et d’ambition. Car si le regard de ces créatures ne se croise pas, il s’attarde néanmoins sur le public avec détermination, dans une intention qui se lit aussi envieuse que menaçante. Ainsi modifient-elles leur comportement, attirées par une verticalité précaire que les lumières de Gregor Glogowski maintiennent au sol.

Outre le travail des corps et de leurs relations, la création lumière fait en effet partie intégrante de cette pièce. Sans chercher les effets à grand spectacle, elle compose avec les ombres et silhouettes qu’elle étire et auxquelles elle donne une vie propre. Ainsi les créatures se démultiplient et envahissent l’espace, confortant la métaphore d’un organisme – vivant ou non – en pleine évolution. Visuellement aussi satisfaisant qu’effrayant, Vis Motrix perturbe notre connaissance du corps humain jusqu’à faire oublier celui des interprètes, dont la présence et le geste sont pourtant magnétiques.

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Par Peter Avondo Critique Spectacle vivant / Journaliste culture
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Issu du théâtre et du spectacle vivant, Peter Avondo collabore à la création du magazine Snobinart et se spécialise dans la critique de spectacle vivant. Il intègre en mars 2023 le Syndicat Professionnel de la Critique Théâtre Musique Danse. 06 22 65 94 17 / peter.avondo@snobinart.fr
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