Christian Lacroix, des épingles aux cintres

Arlésien de naissance, on ne présente plus Christian Lacroix dont le nom est définitivement associé au luxe et à la mode haute-couture depuis l’ouverture de sa maison en 1987. Mais si son succès dans ce milieu est bien connu de chacun, un autre pan de la vie de l’artiste, pourtant tout aussi productif, restait bien souvent dans l’ombre… jusqu’à présent !

Peter Avondo
Peter Avondo  - Critique Spectacle vivant / Journaliste culture
4 mn de lecture
Christian Lacroix dans les ateliers de l’Opéra de Liège. © Jonathan Berger - Opéra Royal de Wallonie-Lège

Bien que retiré du milieu de la haute couture depuis près de quinze ans, le nom de Christian Lacroix continue de résonner dans l’esprit collectif. Par la marque qu’il a développée durant ses années actives dans la mode et qui continue son chemin, certes, mais aussi par l’autre vie que le créateur s’est construite depuis de nombreuses années et qui trouve sa réalisation dans le monde du spectacle vivant. Porteur d’une vision artistique haute en couleurs et en détails, s’imposant à contre-courant des cycles de la mode, celui que l’on réduit bien souvent au terme de couturier s’est lancé, en 2021, dans l’aventure de la mise en scène. Une approche du spectacle déjà nettement esquissée au fil de sa carrière qui se concrétise avec La Vie parisienne d’Offenbach, à découvrir cette fin d’année à l’Opéra Comédie de Montpellier.

Les plus attentifs l’auront déjà constaté à de multiples reprises, le nom de Christian Lacroix est un habitué des feuilles de salle et des programmes dans les théâtres et les opéras. Créateur costumier pour bon nombre de metteurs en scène, il traverse le milieu du spectacle vivant depuis près de quarante ans, au service de certains noms bien connus comme Vincent Boussard, Denis Podalydès, ou plus récemment encore Michel Fau et Éric Ruf.

Mais si l’évidence fait que l’on associe plus facilement Christian Lacroix aux costumes, l’artiste a plus d’une corde à son arc et se penche aussi, au cours de sa carrière, sur la question de la scénographie. Danse, opéra ou théâtre, les arts de la scène ne laissent pas l’artiste indifférent, et c’est presque selon une certaine logique qu’il se dirige, en 2021, vers la concrétisation de toutes ces appétences : la mise en scène. Pour sa première expérience dans ce domaine, Lacroix choisit La Vie parisienne, opéra bouffe d’Offenbach, dans une version qui cherche à lier deux époques, celle de la composition de l’œuvre et celle de sa création dans notre monde contemporain.

La Vie parisienne par Christian Lacroix. Photo : Vincent Pontet

Souhaitant proposer une lecture cohérente de cet opéra en s’approchant de son écriture originale – résultat d’un travail approfondi de recherche qui a notamment permis de réintégrer des partitions écartées et de redonner corps au cinquième acte souvent balayé –, le metteur en scène fait aussi le choix de ne pas s’enfermer pleinement dans une approche historique de l’œuvre. Souhaitant au contraire s’affranchir d’une vision très lissée et prétendument sans défaut de la vie bourgeoise de la fin du XIXe siècle telle que l’on veut bien s’en souvenir, Lacroix fait le choix de la mêler à une image de Paris qui ne franchit que peu la frontière de nos écrans aujourd’hui. « Si nous pensons Vie parisienne en 2021 s’imposent plutôt des images de précarité, de trottinettes abandonnées, de pigeons malades, de poubelles et de travaux incessants, de nuits désertées d’un côté, de faux luxe béotien spéculatif et parvenu de l’autre », explique le metteur en scène.


Des décors aux costumes, l’artiste garde ainsi un œil attentif à deux siècles distincts dont il provoque la rencontre sur un même plateau. Ne prenant le parti ni de l’histoire immuable ni d’une absolue nécessité de contemporanéité, il donne ainsi surtout corps à sa propre interprétation d’un opéra qui restera sa toute première mise en scène, et dont le fruit est à découvrir du 20 décembre 2023 au 4 janvier 2024 sur la scène de l’Opéra Comédie de Montpellier.

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Par Peter Avondo Critique Spectacle vivant / Journaliste culture
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Issu du théâtre et du spectacle vivant, Peter Avondo collabore à la création du magazine Snobinart et se spécialise dans la critique de spectacle vivant. Il intègre en mars 2023 le Syndicat Professionnel de la Critique Théâtre Musique Danse.
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