Le cinéma de Ruben Ostlund, au-delà des limites

Ruben Ostlund devient un habitué des Palmes d'or... Cinq ans après The Square, le réalisateur a décroché une nouvelle fois la plus haute distinction sur la Croisette avec son dernier film Triangle of Sadness. Il entre ainsi dans le cercle très fermé de cinéastes doublement récompensés composé de Ken Loach, Michael Haneke, Emir Kusturica, Bill August, Francis Ford Coppola, Shohei Imamura et les frères Jean-Pierre et Luc Dardenne. Avec cette nouvelle comédie, Ruben Ostlund poursuit son questionnement sur l'humain en portant un regard acide sur la bourgeoisie contemporaine.

Thibault Loucheux-Legendre
Thibault Loucheux-Legendre  - Rédacteur en chef / Critique d'art
4 mn de lecture

Le 28 mai au Palais des Festivals à Cannes, Vincent Lindon annonçait quel film remportait la Palme d’or : « C’est quelque chose de recevoir un prix, mais ce n’est pas rien d’annoncer une Palme d’or. C’est un cadeau pour celui qui va la recevoir, mais c’est aussi un cadeau pour celui qui la donne. Avec le Jury nous avons été extrêmement choqués par ce film. La Palme d’or revient au réalisateur de Triangle of Sadness : Ruben Ostlund. »

Ruben Ostlund a révélé son talent au grand public en 2014. Son film Snow Therapy remporte le prix du jury dans la section Un certain regard. Le réalisateur y montre une famille en vacances à la neige. Alors qu’ils sont en train de profiter du soleil sur une terrasse du restaurant, une avalanche menace de les emporter. La mère protège ses enfants alors que le père s’enfuit en prenant ses gants et son Iphone… Si l’avalanche a fait plus de peur que de mal, l’attitude du mari ébranle fortement la relation du couple. Déjà, Ruben Ostlund questionne l’humain et ses choix, opposant ses réactions instinctives face à moeurs que nous avons apprises pour vivre en société. 

Le cinéaste va plus loin dans The Square, film d’exception (et probablement la meilleure Palme d’or de la dernière décennie) qui a pour théâtre le milieu de l’art contemporain. Dans une séquence de douze minutes devenue culte dès sa projection cannoise, un artiste/performeur joue une bête sauvage et se balade au milieu des convives endimanchés lors d’un dîner mondain. La performance dérape et les invités deviennent des proies. Chacun espère que la bête s’attardera sur son voisin, gêné, coupable, mais tranquille. Ostlund s’amuse à créer des scènes aux allures d’expériences psychologiques. Contrairement à ce que beaucoup peuvent affirmer, Ruben Ostlund n’est pas un réalisateur qui critique la société et qui userait du thème de la lutte des classes… Il ne condamne pas, il nous tend un miroir, montrant les absurdités de notre monde contemporain. Loin d’être un élément principal, la critique sociale n’est qu’un élément indispensable au développement des films d’Ostlund. Grâce à elle, il peut s’amuser à déformer les situations pour tester l’humain, mais aussi le spectateur en le mettant dans des positions délicates et un sentiment de gêne. Malgré la société, l’argent, les coutumes, il ne cesse de nous renvoyer à notre animalité. Nous sommes des animaux, avec un instinct, des besoins et des pulsions.

Début aout, la production a dévoilé la bande-annonce de la dernière Palme d’or… et elle n’a pas manqué de faire réagir. Les premières images dévoilées sont complètement folles. Triangle of Sadness se déroule après la Fashion Week. Carl et Yaya, un couple de mannequins et influenceurs, sont invités sur un yacht pour une croisière de luxe. Alors que l’équipage est aux petits soins avec les vacanciers, le capitaine refuse de sortir de sa cabine… Le dîner de gala approche et les événements prennent une tournure inattendue. Les rapports de force s’inversent lorsqu’une tempête se lève et met en danger le confort des passagers. Cette bande-annonce pleine de promesse laisse entrevoir tous les ingrédients du cinéma de Ruben Ostlund : subversion, grotesque, provocation et satyrisme. On retrouvera au casting Harris Dickinson, Charlbi Dean Kriek et le génial Woody Harrelson. Pour se faire un avis, il faudra se rendre dans les salles de cinéma dès le 28 septembre 2022.

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Par Thibault Loucheux-Legendre Rédacteur en chef / Critique d'art
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Après avoir étudié l'histoire et le cinéma, Thibault Loucheux-Legendre a travaillé au sein de différentes rédactions avant de lancer Snobinart et de se spécialiser dans la critique d'art contemporain. Il est également l'auteur de plusieurs romans. 06 71 06 16 43 / thibault.loucheux@snobinart.fr
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