La Gen Z est une génération que beaucoup se plaisent à moquer ou à pointer du doigt, souvent au point de la considérer comme une entité à part entière, au détriment de l’identité propre de celles et ceux qui la composent. Il suffit pourtant de quelques morceaux choisis, parmi les propos recueillis par Le Cri Dévot auprès de cette jeunesse, pour se rendre compte de toute la pluralité et la complexité d’une population dont les personnalités convergent pourtant vers une évidence : un sentiment profond de désynchronisation avec le monde qui les entoure.
Cherchant une conception qui emprunte au théâtre documentaire, ou a minima documenté, Le Cri Dévot porte au plateau une parole brute qui, au-delà du travail d’écriture qui l’augmente d’une théâtralité juste et pertinente, se fait vecteur d’un certain naturalisme et évite ainsi le dangereux piège du moralisme ou du jugement. #GÉNÉRATION(S) se fait alors objet de mémoire collective, comme une capsule temporelle à laquelle on s’intéresserait, des décennies ou des siècles plus tard, et qui constituerait une étape, presque comme une autre, dans l’évolution humaine.
Pour servir ce propos, Camille Daloz et Alexandre Cafarelli imaginent un terrain de jeu loin de notre sol et de notre temps. Imposant cette distance qui nous plonge avec anachronisme dans une époque et un espace que l’on nous dit appartenant au passé, les metteurs en scène jouent à la fois sur la nécessité contemporaine de s’intéresser à cette jeunesse, et sur le caractère anecdotique de son existence passagère au regard des populations futures.
Sur scène, le comédien Bastien Molines, soutenu au plateau par le musicien Allister Sinclair, est seul à porter les voix pourtant multiples de cette fameuse génération. Arrivé tel un cosmonaute dans l’espace symboliquement futuriste d’une navette spatiale, il devient le porte-parole d’une jeunesse depuis longtemps disparue et dont il est peut-être le dernier représentant. Toute notion de sexe, de genre ou d’identité effacée, et jonglant prudemment avec quelques clichés, il prend ainsi la voix et le visage de chaque témoin et sert au public une performance fluide et précise qui dessine, sous ses traits, le portrait pluriel d’une jeunesse que l’on voudrait, à tort, considérer comme homogène.
Car si la vision globale qui nous est montrée dans #GÉNÉRATIONS met bien en exergue une chose, c’est toute la diversité des individus que l’on cherche à confondre derrière une prétendue uniformité. Des anecdotes personnelles aux expériences intimes, la pièce s’attache précisément à détailler chaque pixel d’une image haute définition de laquelle ne transparaît, aux yeux de la société, qu’une jeunesse désabusée, désœuvrée, désenchantée.
Usant avec sens et parcimonie d’un dispositif scénographique pourtant propice aux excès, Le Cri Dévot propose une forme qui, au croisement des disciplines et au service d’une approche moderne de la mise en scène, ne perd jamais de vue la notion de théâtre. Au travers de l’objet comme du propos, la compagnie signe une pièce universelle qui ne laisse personne de côté, quelle que soit la dimension spatio-temporelle à laquelle on appartient.