« Rush », tout Mette Ingvartsen en version best of

Dans cette création 2023, la chorégraphe danoise Mette Ingvartsen confie à l’une de ses plus fidèles danseuses, Manon Santkin, le soin de revenir sur vingt ans de spectacles. Rush était présenté pour la première fois en France au Hangar Théâtre dans le cadre du 44e festival Montpellier Danse.

Peter Avondo
Peter Avondo  - Critique Spectacle vivant / Journaliste culture Vu au festival Montpellier Danse
5 mn de lecture

Comme dernière rescapée des interprètes avec lesquels elle a partagé tant de représentations, Manon Santkin est désormais seule, dans Rush, à pouvoir encore raconter les spectacles de Mette Ingvartsen auxquels elle a pris part. Autour d’elle, visibles ou à inventer, s’accumulent les vestiges de vingt années de carrière, une époque qu’elle a choisi de retraverser ici, ce soir, avec ce public venu la regarder. Littéralement à nu – c’est souvent le cas dans les créations de Mette –, la danseuse s’apprête à livrer une performance en patchwork en revivant l’historique artistique de leur collaboration commune.

Toutes les pièces de la chorégraphe danoise n’y passeront pas. Il s’agit moins de lister exhaustivement ses spectacles pour en faire un teaser, que d’en proposer une réécriture en tenant compte des modifications d’un certain nombre de paramètres. Le premier d’entre eux : le nombre. Si Manon Santkin n’hésite pas, au besoin, à inviter quelques spectateurs à se joindre à elle pour illustrer un orgasme collectif – reproduction à petite échelle d’un tableau de la pièce To Come –, elle reste la plupart du temps isolée sur ce grand plateau blanc. Se confrontant seule à ces souvenirs qu’elle convoque aussi bien pour elle que pour le public, la danseuse fait aussi face aux vieillissements de son corps, à l’évolution des perceptions sociales ou aux symboles dont le sens a pu évoluer en quelques années.

© Bea Borgers

Souvent en quête de ce que les corps composent ensemble dans une forme de décontextualisation sociétale, le travail de Mette Ingvartsen à la sauce 2023 rencontre aussi une autre manière de chatouiller les mœurs. Car s’il est récemment devenu tendance de s’intéresser aux questions de libération du corps, Rush nous rappelle délicatement que la chorégraphe en a toujours fait l’un des axes principaux de son travail. En choisissant l’une de ses plus fidèles interprètes depuis sa première création – le perturbant et magnétique Manual Focus en 2003 –, l’artiste danoise trouve aussi malgré elle toute la constance de son art dans l’interprétation de Manon Santkin.

Dans sa confession quasi conférentielle, l’interprète traverse, en même temps que l’œuvre dont elle fait le portrait, les vingt années qui viennent de s’écouler. Dans son discours s’enchevêtrent les mémoires collectives et partagées des interprètes avec qui elle a vécu ces expériences, ses propres réminiscences en tant que danseuse, ainsi que les intentions artistiques de Mette Ingvartsen. À travers l’unique voix de Manon Santkin se transmet donc un conglomérat de souvenirs artistiques autant qu’humains dont la portée se trouve renforcée des extraits de performance avec lesquels elle les illustre.

Pièce à l’écriture propre en dépit de son apparence « bande-annonce », Rush se situe à la rencontre entre le répertoire et la création. Manon Santkin y sert une performance généreuse dans laquelle elle trouve un équilibre solide entre le spectacle et le documentaire, donnant au travail de Mette Ingvartsen un sens qui s’inscrit dans la durée et qui ne soulève finalement qu’un regret : celui de ne pas assister à l’intégralité des pièces évoquées.


Rush
Création 2023
Vu au Hangar Théâtre avec le Festival Montpellier Danse

Crédits

Concept et chorégraphie : Mette Ingvartsen / Avec : Manon Santkin / Assistant chorégraphique : Thomas Bîrzan / Directeur technique et création lumière : Hans Meijer / Technicien son et création sonore : Milan Van Doren / Technicien : Jan-Simon De Lille / Musique : Will Guthrie, Peter Lenaerts, Gregorio Allegri, Gene Krupa and Buddy Rich, Benny Goodman

Dates
  • Du 3 au 4 septembre 2024 : Dansehallerne, Copenhagen, Danemark
  • Du 10 au 11 septembre 2024 : Short Theatre, Rome, Italie
  • Du 4 au 5 octobre 2024 : Theater Rotterdam, Pays-Bas
  • Du 22 au 24 octobre 2024 : Centre National de la Danse, Paris
  • Du 5 au 6 décembre 2024 : Tanzquartier, Vienne, Autriche
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Par Peter Avondo Critique Spectacle vivant / Journaliste culture
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Issu du théâtre et du spectacle vivant, Peter Avondo collabore à la création du magazine Snobinart et se spécialise dans la critique de spectacle vivant. Il intègre en mars 2023 le Syndicat Professionnel de la Critique Théâtre Musique Danse. 06 22 65 94 17 / peter.avondo@snobinart.fr
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