L’Instant T, une expérience à rendre fou

Ce samedi à Montpellier, l'Esplanade Charles de Gaulle accueillait deux représentations de L'Instant T. Une expérience théâtrale inédite, proposée par L'Atelline et la compagnie La Vaste Entreprise, qui se joue autant du public que lui-même s'en amuse...

Peter Avondo
Peter Avondo  - Critique Spectacle vivant / Journaliste culture
5 mn de lecture

Nous vous avions déjà parlé de Nicolas Heredia et de sa compagnie après avoir assisté à la pièce À ne pas rater en janvier dernier. Nous vous racontions alors comment le spectacle se jouait du spectateur à travers la mise en scène de concepts pourtant particulièrement abstraits. Il faut croire que ce principe fait intrinsèquement partie de la démarche artistique de Nicolas Heredia, qui signe avec cet Instant T une expérience de la même gamme, tout aussi efficace et perturbante.

Pour cette nouvelle création, La Vaste Entreprise et L’Atelline ont travaillé main dans la main pour proposer des représentations en plein air. Rendez-vous était donné sur l’Esplanade Charles de Gaulle, en face du Musée Fabre à Montpellier. Un cadre somme toute très agréable pour du théâtre dans l’espace public. En prenant place sur les gradins, la première réaction ne se fait pas attendre : cette perspective profonde qui mène jusqu’au grand bâtiment municipal est sublime. Espérons alors que cet immense terrain de jeu sera utilisé avec pertinence et que ce que nous y verrons sera à la hauteur de son écrin. Je n’imaginais pas à quel point ce serait le cas.

Lorsqu’on assiste à un spectacle dans l’espace public, il est un comportement qui vient assez naturellement. Plus l’heure de la représentation approche, plus on a tendance à regarder de tous les côtés en essayant de deviner d’où tout commence. Un simple badaud peut soudain prendre possession de l’espace scénique, un événement improbable peut se produire à tout moment, alors on scrute, on patiente et on fait attention à chaque détail. Y compris au technicien qui porte au dos de son t-shirt l’inscription « Un petit détail ».

Seulement, les minutes passent et rien n’arrive. Ou plutôt rien de spectaculaire. Sur l’esplanade, les passants continuent de passer. Sur la route, les voitures continuent de rouler. Sur le parvis du musée, les visiteurs continuent d’affluer. Certains sont plus remarquables que d’autres, par leurs vêtements, leurs démarches ou leurs accessoires. Mais rien qui soit de l’ordre du spectacle que le public se pense en droit d’attendre.

Et soudain une étonnante impression de déjà-vu. Créée de toutes pièces par un metteur en scène malicieux, cette sensation paraît pourtant réelle et tout s’éclaire. L’expérience devait commencer il y a cinq minutes. Elle a en vérité débuté bien avant. Par ce qui se voit et ce qui s’entend, le public se retrouve malgré lui dans une boucle du temps et de l’espace qui, une fois les premières surprises passées, donne lieu à une étrange satisfaction, à quelque chose de ludique, nouveau et drôle, aussi.

Nous n’irons pas plus loin dans la narration de L’Instant T, car ce serait réduire à néant son intérêt. Mais une chose est sûre, l’expérience vaut la peine d’être vécue. Au-delà de l’amusement qu’elle créée, elle nous ramène aussi à des questions plus sérieuses. Elle nous interroge sur l’attention portée aux inconnus qui nous entourent. Elle nous met face à notre comportement singulier, dans une situation pourtant partagée avec des dizaines de personnes en simultané. Elle défie notre besoin de réponses et de progrès, notre attente d’un début et d’une fin. Elle nous montre aussi quels détails nous attirent plus facilement, au détriment d’autres que nous ne verrons sans doute jamais.

La Vaste Entreprise n’a donc pas fini de nous surprendre et nous bousculer dans notre rôle de spectateur. La compagnie sera d’ailleurs au Festival d’Avignon cet été avec À ne pas rater qui, pour le coup, est à ne pas rater. Elle poursuit également sa collaboration avec L’Atelline et proposera un nouveau rendez-vous avec Légendes, du 6 au 21 juin prochains dans le quartier des Beaux-Arts, toujours à Montpellier.

Enfin, L’Atelline programme de nombreux rendez-vous d’art dans l’espace public jusqu’au mois de juin et bien plus, au travers des Escales Métropolitaines. Un calendrier à retrouver sur le site de la structure et sur les réseaux sociaux.

MISE EN SCENE
NICOLAS HEREDIA
AVEC
DES ETUDIANT.E.S EN CREATION THEATRALE DE L’UNIVERSITE PAUL VALERY MONTPELLIER 3 ET DES COMEDIENS DE LA BULLE BLEUE
REGIE GENERALE
GAEL RIGAUD

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Par Peter Avondo Critique Spectacle vivant / Journaliste culture
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Issu du théâtre et du spectacle vivant, Peter Avondo collabore à la création du magazine Snobinart et se spécialise dans la critique de spectacle vivant. Il intègre en mars 2023 le Syndicat Professionnel de la Critique Théâtre Musique Danse. 06 22 65 94 17 / peter.avondo@snobinart.fr
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