« À ne pas rater » : Nicolas Heredia au temps de la frustration

Créée au Théâtre des 13 Vents, la dernière pièce de Nicolas Heredia, intitulée À ne pas rater, joue ses premières représentations héraultaises au Théâtre Jean Vilar à Montpellier. Un spectacle à découvrir jusqu'au 7 janvier 2022.

Peter Avondo  - Critique Spectacle vivant / Journaliste culture
4 mn de lecture
© La Vaste Entreprise

À quand remonte la dernière fois où vous avez véritablement pris le temps ? La toute dernière pièce portée par La Vaste Entreprise et écrite par Nicolas Heredia vous en donne l’occasion. Pendant une heure (environ, bien qu’altérable), les deux comédiens et les deux techniciens présents sur scène proposent une divagation entre humour et nostalgie autour de deux thématiques : nos rapports au temps et à la frustration.

Il y a forcément, à un moment donné, quelque chose qui se passe quelque part et que l’on rate pour une raison ou pour une autre. Cette sensation de passer à côté d’un événement porte un nom : FoMO (Fear of Missing Out en anglais, littéralement « Peur de rater quelque chose »). Dans une époque marquée par le flux continu d’informations, notamment via les réseaux sociaux, cette crainte est en réalité un syndrome très sérieux, tout comme FoBO (Fear of Better Options ou la peur de rater quelque chose de mieux que ce qu’on est en train de vivre).

De ces deux grands maux du XXIe siècle, Nicolas Heredia en a fait une pièce qui s’assume comme parenthèse temporelle, « au détriment du reste » comme le mentionne le sous-titre du spectacle. Dès les premiers instants, l’esprit de l’écriture est posé : il s’agira d’accepter la possibilité de manquer quelque chose d’important qui pourrait se produire au même moment, ailleurs.

Mais affirmer face à un public que l’objet du spectacle est précisément d’apprendre à gérer sa frustration ne suffit pas. Alors on crée de l’attente, de l’espoir en annonçant des événements spectaculaires qui se produiront à coup sûr dans un délai prédéfini. À coup sûr… vraiment ? Pas tout à fait, et c’est justement là l’intelligence et la finesse de la pièce, qui se joue de la frustration du public et l’alimente.


Pour ce qui est du temps, À ne pas rater se plaît à le moduler à l’envi, et ce bien avant l’arrivée des comédiens sur scène. D’horloge en décomptes, en passant par une barre de progression qui indique la durée restante du spectacle, le public gagne l’impression de maîtriser le temps alors qu’il ne fait que le subir (sans pour autant s’en plaindre, entendons-nous).

Pour résumer, cette nouvelle pièce de La Vaste Entreprise questionne notre rapport à l’immédiateté de notre société, au travers d’une écriture simple et efficace. La mise en scène, quant à elle, sert parfaitement l’ensemble du propos, allant même jusqu’à promouvoir le laisser-faire comme seule solution de salut. Après tout, quand tout finit par nous échapper, quelle meilleure réponse que s’en accommoder ?

À ne pas rater sera joué au Théâtre Jean Vilar de Montpellier du 5 au 7 janvier 2022, puis au Théâtre Le Sillon de Clermont-l’Hérault les 10 et 11 mars prochains.

ECRITURE, SCENOGRAPHIE ET MISE EN SCENE
NICOLAS HEREDIA
AVEC
NICOLAS HEREDIA, SOPHIE LEQUENNE
MANIPULATIONS
GAEL RIGAUD, MARIE ROBERT
COLLABORATION ARTISTIQUE
MARION COUTAREL
CREATION LUMIERE
MARIE ROBERT

Peter Avondo

Issu du théâtre et du spectacle vivant, Peter Avondo collabore à la création du magazine Snobinart et se spécialise dans la critique de spectacle vivant. Il intègre en mars 2023 le Syndicat Professionnel de la Critique Théâtre Musique Danse.

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Par Peter Avondo Critique Spectacle vivant / Journaliste culture
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