La vie en roses d’Anne Teresa de Keersmaeker

Créé en 2022 et présenté lors du 42e festival Montpellier Danse, le spectacle Mystery Sonatas / for Rosa conçu par Anne Teresa de Keersmaeker et Amandine Beyer a retrouvé le plateau de l’Opéra Comédie dans le cadre de cette saison 23-24. Sur des sonates d’Heinrich Biber, la chorégraphe imagine des variantes autour d’une forme aussi complexe qu’éloquente : la rose.

Peter Avondo  - Critique Spectacle vivant / Journaliste culture Montpellier Danse
3 mn de lecture
© Anne Van Aerschot

Les lignes géométriques tracées au sol ne laissent aucun doute, c’est bien dans l’univers d’Anne Teresa de Keersmaeker que nous nous apprêtons à plonger. Pour cette nouvelle expérience conçue main dans la main avec la violoniste Amandine Beyer, la chorégraphe belge prend pour fil rouge le symbole de la rose, qu’elle décline dans les corps et dans l’espace sur la musique des Sonates des Mystères (ou Sonates du Rosaire) d’Heinrich Ignaz Franz Biber. Ces compositions religieuses venues tout droit du XVIIe siècle alimentent, dans Mystery Sonatas / for Rosa, une chorégraphie qui fluctue dans ses intentions, dans ses rythmes, dans ses mouvements, liant le sensible à l’expressivité.

Au gré des quinze sonates écrites en trois parties (joie, douleur et gloire), les interprètes composent autant avec les musiques aux notes parfois dissonantes venues d’un autre siècle, qu’avec les lumières qui évoluent au fil des tableaux. De cette manière, Anne Teresa de Keersmaeker conçoit une longue pièce dans laquelle danseurs, musiciens et éléments techniques s’écoutent et s’entendent, se parlent et se répondent, n’hésitant pas à jouer de quelques moments de flottement ou d’attente pour que chaque élément trouve sa propre place.

C’est ainsi qu’au-delà des deux parties consacrées à la danse en groupe – dans une sorte de mouvement perpétuel qui fait aussi l’identité artistique de la chorégraphe –, Mystery Sonatas / for Rosa trouve son point d’orgue dans les cinq solos qui constituent le segment central, celui qui se réfère à la douleur. Particulièrement propice à une danse de l’intime, cette thématique est aussi celle qui offre un dialogue sans concession entre l’interprète et le public, révélant par là même la personnalité de chacun des danseurs qui occupe seul le grand plateau.

Fidèle à son écriture si caractéristique, Anne Teresa de Keersmaeker propose ici un spectacle qui ne cède rien à l’évidence, le rendant même parfois peu accessible. Pour autant, elle ne perd pas de vue l’essentiel de son travail, qui donne à la rose dont elle s’inspire bien des symboles, comme l’hommage qu’elle souhaite rendre aux résistantes de tous temps et de toutes luttes qui se partagent le nom de Rosa.


Peter Avondo

Issu du théâtre et du spectacle vivant, Peter Avondo collabore à la création du magazine Snobinart et se spécialise dans la critique de spectacle vivant. Il intègre en mars 2023 le Syndicat Professionnel de la Critique Théâtre Musique Danse.

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Par Peter Avondo Critique Spectacle vivant / Journaliste culture
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