« Freedom Sonata », la liberté selon Emanuel Gat

Au Corum, Montpellier Danse accueille la dernière pièce de l’un de ses artistes les plus fidèles. Dans Freedom Sonata, créée au Festival de Marseille en 2024, Emanuel Gat questionne les libertés individuelles et collectives.

Peter Avondo
Peter Avondo  - Critique Spectacle vivant / Journaliste culture
3 mn de lecture

Sous des lumières écrasantes venues des grandes hauteurs, Emanuel Gat développe sa dernière création dans un espace presque clandestin. Pourtant le plateau est immense et les interprètes, encore vêtus de blanc, sont particulièrement visibles dans cette grande cage noire. Mais tout laisse à penser que c’est à l’abri du monde que ce groupe, comme une communauté résistante ou survivante, s’organise. Les éclats du jour et de la nuit y sont changeants comme dans les souterrains d’une grande ville. On devine le halo des réverbères ou celui des voitures qui passent en surface, tandis qu’en bas se joue Freedom Sonata.

Dans cette pièce, Emanuel Gat s’approprie précisément toutes les libertés. Ainsi mêle-t-il les compositions de Beethoven aux morceaux de Kanye West. Ainsi joue-t-il avec la pénombre et les contre-jours. Ainsi répond-il aux pas de ballet par des gestes de break. Ainsi confronte-t-il, enfin, l’individu au groupe auquel il appartient. Dans sa succession de tableaux, Freedom Sonata s’orchestre en effet comme la quête infinie d’une émancipation aussi personnelle que collective. Ici les mouvements s’inventent, s’imitent, se suivent. Des chœurs de corps s’agglomèrent et se délitent. Mais d’une tentative à l’autre, tout revient toujours à la question de la représentation, de ce que l’on choisit de (se) montrer, de (se) raconter.

Car par-delà la chorégraphie en elle-même, Freedom Sonata fait surtout ressortir une dynamique propre aux interprètes au plateau. Et pour cause, c’est la vie d’un collectif qui est à l’œuvre, à la poursuite de sa liberté comme société. Les corps se regardent et se répondent, toujours en équilibre entre ce qu’il convient de faire et ce que l’on décide de rendre public. Dans cette énergie de troupe, les adresses et les regards vers la salle déclenchent toutefois un certain soulagement : les spectateurs sont bel et bien conviés à cet élan de liberté, s’ils se donnent la peine d’y prendre part. Emanuel Gat signe une pièce aussi exigeante pour ses interprètes que pour le public. Mais une chose est sûre, il est bon de rêver d’être libre ensemble.


Freedom Sonata
Création 2024 – Festival de Marseille – La Criée
Vu à Montpellier Danse

Chorégraphie, scénographie et lumières : Emanuel Gat / Musique : Kanye West The Life Of Pablo (2016), Ludwig Van Beethoven Sonate pour piano #32 en Ut mineure opus 111 (deuxième mouvement) interprétée par Mitsuko Ushida, piano / Créé avec et interprété par : Tara Dalli, Noé Girard, Nikoline Due Iversen, Pepe Jaimes, Gilad Jerusalmy, Olympia Kotopoulos, Michael Loehr, Emma Mouton, Abel Rojo Pupo, Rindra Rasoaveloson, Sara Wilhelmsson / Direction technique : Guillaume Février / Conception sonore : Frédéric Duru

  • 22 & 23 janvier 2025 : Montpellier Danse – Le Corum (Montpellier)
  • 17 au 21 mars 2025 : Théâtre de la Ville (Paris)

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Par Peter Avondo Critique Spectacle vivant / Journaliste culture
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Issu du théâtre et du spectacle vivant, Peter Avondo collabore à la création du magazine Snobinart et se spécialise dans la critique de spectacle vivant. Il intègre en mars 2023 le Syndicat Professionnel de la Critique Théâtre Musique Danse. 06 22 65 94 17 / peter.avondo@snobinart.fr
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