Benoît Lambert fait de « L’Avare » un lien entre les générations

À la direction de La Comédie de Saint-Étienne, Benoît Lambert créait en 2022 L’Avare de Molière. Profitant de ce grand classique pour introniser une nouvelle génération d’interprètes issus de L’École de la Comédie, il donne ainsi une lecture pertinente, bien qu’académique, de la pièce.

Peter Avondo  - Critique Spectacle vivant / Journaliste culture Théâtre de Nîmes
3 mn de lecture
© Sonia Barcet

L’Avare de Molière est moins une affaire d’argent qu’une affaire de générations. Bien sûr, on se délecte toujours avec plaisir de ce personnage risible qu’est Harpagon et de son amour inconsidéré pour la richesse, mais autour de lui se creuse surtout un fossé qui sépare un père de ses enfants. Au plateau aussi, ce sont deux générations qui se rencontrent. En réunissant une distribution composée d’interprètes confirmés et d’élèves de l’École de la Comédie de Saint-Étienne dont il est le directeur, Benoît Lambert cherche à donner de cette pièce une lecture approfondie.

Pourtant, au premier abord, difficile de saisir où nous emmène le metteur en scène. La scénographie d’Antoine Franchet est certes imposante en dépit de son apparente fragilité. Dans cet espace figé – qui tient plus du campement d’archéologie que d’une maison de grande noblesse –, on pourrait presque croire à la pauvreté d’Harpagon si les dizaines de caisses qui l’entourent n’étaient pas pleines de trésors inestimables. Mais sous des lumières aux rares reliefs, et alors que les premières scènes se jouent avec académisme dans le geste autant que dans le verbe, c’est peu de dire que le parti pris ne saute pas immédiatement aux yeux.

Il viendra néanmoins, s’exprimant peu à peu, en sous-texte, au gré de la représentation. Résolu à conserver dans sa création un classicisme certain, Benoît Lambert la parsème de détails qui la font évoluer imperceptiblement. Scène après scène, le langage se fait plus fluide, le rythme plus soutenu, tandis que le potentiel comique du texte se dévoile non pas comme une comédie ininterrompue, mais à l’occasion de moments qu’il choisit de pousser presque à l’extrême… Pas nécessairement les plus attendus, d’ailleurs. Le célébrissime monologue d’Harpagon prend, sous le jeu nuancé d’Emmanuel Vérité, un aspect moins comique que sensible et attachant, faisant mentir le texte qui le décrit comme « l’humain le moins humain ».

Face à lui, avec lui, une nouvelle génération cherche sa place : celle des enfants d’Harpagon, de son valet et de sa prétendante dans la pièce, celle de jeunes interprètes fraîchement sortis de l’école dans la vie. Confondant l’apprentissage des comédiens et celui de leurs personnages, Benoît Lambert ouvre avec une certaine pertinence un parallèle qui donne sens à sa mise en scène. Si son Avare reste essentiellement statique dans son décor très théâtral, le travail qu’il propose sur les postures, les relations et le phrasé trouve son énergie propre sans l’imposer. De cette manière, il provoque habilement la rencontre entre Molière et notre époque comme un lien entre les générations – réelles ou fictives –, dans une création qui, malgré ses apparences parfois pompeuses, ne se noie pas sous la lourdeur.


Peter Avondo

Issu du théâtre et du spectacle vivant, Peter Avondo collabore à la création du magazine Snobinart et se spécialise dans la critique de spectacle vivant. Il intègre en mars 2023 le Syndicat Professionnel de la Critique Théâtre Musique Danse.

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Par Peter Avondo Critique Spectacle vivant / Journaliste culture
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Issu du théâtre et du spectacle vivant, Peter Avondo collabore à la création du magazine Snobinart et se spécialise dans la critique de spectacle vivant. Il intègre en mars 2023 le Syndicat Professionnel de la Critique Théâtre Musique Danse.
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