Et si raconter des histoires était ce qui nous permettait de faire en sorte que le monde continue de tourner à peu près rond ? L’idée n’est certes pas nouvelle, mais elle est à l’origine de l’écriture de Terminal (L’État du Monde) proposé par Inês Barahona et Miguel Fragata. Dans un espace envahi par les racines des arbres, comme à nouveau rois sur cette planète, semble résister une forme de poésie, celle des fables qui se transmettent et alimentent l’imagination. À travers ce conte qui se balade entre texte et musique, la compagnie portugaise Formiga Atómica poursuit son travail autour de la crise climatique, engagé dans un premier volet intitulé L’État du Monde (Un dur réveil).
Parachutés là depuis leur ancien monde sans trop savoir ni comment ni pourquoi, deux hommes et deux femmes se retrouvent enracinés dans un espace sans frontière duquel ils ont pour objectif de sortir. C’est en tout cas la mission qu’on leur a implicitement donnée en les envoyant ici, eux qui symbolisent chacun une caste de leur ancienne société et de qui il est attendu qu’ils inventent un monde nouveau – un monde meilleur, donc. Mais quel est ce meilleur auquel devraient aspirer nos sociétés ? Quasi biblique, cette épreuve du purgatoire va en réalité faire ressortir les dissensus entre ces quatre personnages, chacun voulant tirer à lui sa propre couverture.
Derrière sa forme de conte onirique, Terminal (L’État du Monde) soulève ainsi des questionnements sur nos fonctionnements comme sociétés contemporaines. Des régimes politiques aux modèles socio-économiques, le récit passe essentiellement par le plus évident. Le capitalisme extrême s’oppose au communisme absolu, la démocratie se confronte à la dictature, la sensibilité écologique est mise en miroir de son contraire… Mais malgré ces dichotomies qui ont tendance à enfoncer des portes ouvertes, c’est dans l’objet artistique que cette pièce trouve surtout son intérêt.
En misant sur un récit façon conte pour enfant, la compagnie Formiga Atómica s’autorise aussi des envolées fantastiques qui jouent avec les perceptions et le décor. La fable devient peu à peu prétexte à une forme d’amusement, entre les interprètes eux-mêmes ou dans la relation qu’ils entretiennent avec le public. Les spectateurs étaient d’ailleurs prévenus : ici et maintenant se racontera peut-être la dernière histoire de tous les temps. Alors autant accepter d’y croire si de ce récit émerge notre dernier espoir possible en un monde d’après. Depuis ce Terminal, Inês Barahona et Miguel Fragata tentent quoiqu’il arrive de faire de l’imagination l’une de nos armes les plus précieuses. Ce qu’en sera l’issue, en revanche, reste à ce jour totalement inconnu.
Terminal (L’État du Monde)
Création 2024 – Teatro Municipal de Ourém (Portugal)
Vu au Festival d’Avignon
Crédits
Avec Anabela Almeida, Vasco Barroso, Miguel Fragata, Carla Galvão et Manuela Azevedo, Hélder Gonçalves (musiciens) / Texte Inês Barahona / Mise en scène Miguel Fragata / Scénographie Eric da Costa / Musique Hélder Gonçalves / Lumière Rui Monteiro / Costumes José António Tenente / Assistanat à la mise en scène Beatriz Brito / Aide au mouvement Victor Hugo Pontes / Construction des décors Eric da Costa, Paula Hespanha, João Salgado, José Pedro Sousa / Régie générale Nuno Figueira, Luís Ribeiro / Régie son Nelson Carvalho, Tiago Correia / Production Sofia Bernardo, Luna Rebelo / Traduction pour le surtitrage Madalena Caramona (anglais), Thomas Resendes (français)
Dates
- 5 octobre 2024 : 23 Milhas, Fábrica Ideias (Ílhavo, Portugal) avec le Teatro Nacional D. Maria II (Lisbonne, Portugal)
- Du 24 au 27 octobre 2024 : Teatro Nacional São João (Porto, Portugal)
- 15 novembre 2024 : Acert (Tondela, Portugal)
- 20 à 23 novembre 2024 : Théâtre du Point du Jour (Lyon)