On ne présente plus Abdelkader Benchamma qui est incontestablement l’un des artistes les plus doués et les plus appréciés de sa génération. Sa nomination au Prix Marcel Duchamp cette année en est le témoignage…
Je pense avoir souvent pu apprécier les œuvres d’Abdelkader Benchamma dans de nombreuses institutions. L’esthétique marquée de ses œuvres enfaisait un artiste rapidement identifiable. Si ces pièces demeuraient fascinantes, j’avoue avoir également perdu un certain effet de surprise à leur découverte au profit d’une normalité à les trouver sur les murs des musées.
Pourtant, il arrive que la magie opère à nouveau et ce ne sont pas forcément les plus grandes expositions qui nous invitent à la redécouverte. Lorsque je suis entré dans la Galerie Chantiers BoîteNoire, j’ai demandé à Christian Laune s’il s’agissait d’une rétrospective et le galeriste m’a répondu : « C’est une exposition qui souhaite restituer un parcours en faisant un accrochage parcours, sur un mode qui est plus celui de l’atelier que celui d’une expo comme on pourrait l’imaginer dans d’autres lieux. C’est plus simple, plus convivial, c’est un accrochage de complicité ». L’exposition se compose d’œuvres réalisées entre 2006 et 2024, soit un échantillon de pièces s’étalant sur une vingtaine d’années. Ainsi, la galerie souhaite montrer des dessins oubliés, faire apprécier l’évolution graphique d’Abdelkader Benchamma. Le visiteur pourra constater que les grandes obsessions de l’artiste le nourrissent depuis ses débuts, comme la philosophie, la littérature, l’ésotérisme, la magie, les croyances, le rêve, la réalité…
La grande force de cette exposition est l’accrochage réalisé par la galerie et l’artiste. Dépouillé de l’académisme institutionnel, les créations sont à vif, s’approchent du spectateur, leur conférant un caractère unique et sacré. Certains dessins sont accrochés avec des épingles, ce qui est rare, surprenant mais terriblement séduisant venant d’un artiste de cette importance. Il se dégage de l’exposition une vraie simplicité et une réelle proximité. On saute d’œuvre en œuvre, elles qui nous invitent à redécouvrir l’univers de l’artiste à travers un voyage intime. Chaque pièce est une porte qui nous amène à saisir une nouvelle poignée. Un jeu de piste poétique, comme un labyrinthe dans lequel on aime se perdre.
Redécouvrir un artiste que l’on pensait connaître est une chose rare et magique. En ce sens, Différents souvenirs de la matière était une exposition nécessaire. Pour information, Camille Cattan événementiel organise au sein de la Galerie Chantiers BoîteNoire une soirée le 10 juillet autour des œuvres d’Abdelkader Benchamma.