Nicolas Rey détient une place particulière dans ma construction. Jeune, je découvrais l’amour en même temps que ses romans. En plus d’être une influence pour moi, Nicolas m’a laissé l’opportunité de le rencontrer et de partager des moments qui resteront marqués dans ma mémoire. Sa grande générosité nous a permis de lancer le premier Prix Joseph dont il est le parrain.
Lorsque j’ai appris la sortie de son nouveau roman La Marge d’erreur aux éditions Au Diable Vauvert, l’interroger autour de sa nouvelle publication fut comme une évidence. Dans ce roman, nous retrouvons son double, Gabriel, condamné à mourir dans trois mois. Il rencontre Diane, une folle qui adore le steak tartare et qui lui fait retrouver ses sentiments. Comme d’habitude, ses lignes se dévorent avec autant de délectation que Diane dévore sa viande crue.
Comment ça va Nicolas ?
Ça va ! Et toi mon Prince ? Comment ça se passe à Montpellier ? Comment va le Prix Joseph ?
Il fait déjà trop chaud ici. Sinon le Prix Joseph va bien malgré le Covid qui a décidé de jouer les troubles fêtes. Mais on a eu quand même un beau vainqueur avec Fabrice Caro.
Super ! J’adore Fabcaro ! Dans L’Express ils ont dit que l’univers de mon bouquin c’était entre du Beigbeder et du Fabcaro.
Pas mal la comparaison ! Comment vas-tu sinon ? Mieux que le personnage principal de ton roman j’espère…
Ah oui je vais cent fois mieux que lui ! Déjà je ne vais pas mourir dans trois mois. Je vais tacher de mourir jeune le plus tard possible. Et puis maintenant que j’ai rencontré la femme du reste de ma vie j’ai vraiment pas envie de passer l’arme à gauche si tu vois ce que je veux dire.
Dans tes derniers romans on avait quitté Gabriel encore très accroché à Joséphine. Alors qu’il est condamné il rencontre Diane qui va le faire renaître de ses cendres.
Diane c’est pas n’importe qui ! Elle adore tout ce que les végans détestent. Elle adore les steaks tartares, les rognons de veau, la langue de bœuf, les cuisses de grenouille, le foie de veau, la gardiane de taureau, la tête de veau… Tout ce qui est fort en bouche quoi.
Dans La Marge d’erreur tu prends la décision de condamner ton double, Gabriel !
Oui mais il y en aura d’autres des doubles. Ne t’inquiète pas. J’ai d’autres projets en vue. Je peux même te donner un scoop : mon prochain double va s’appeler Diego Lambert !
Qu’est-ce que l’écriture t’apporte aujourd’hui ?
Au début c’est dur quand je fais la première version… C’est dur… C’est lent… C’est besogneux… C’est difficile… Et puis quand je pars tout réécrire dans la résidence d’auteur de la maison d’édition de mon éditrice (Marion Mazauric) à Vauvert, c’est un vrai plaisir. J’ai déjà un premier squelette, un brouillon, et ça me rassure. A partir de là je peux me lancer. J’écris la nuit à partir de onze heures du soir jusqu’à huit heures du matin. A ce moment-là j’ai un vrai plaisir d’écriture. On est isolé de tout, on est à quinze minutes de la première habitation, on est au cœur des vignes avec les chevaux de Camargue. Il y a personne.
Donc le travail te donne du plaisir ?
Si tu veux, le génie sans le travail n’est qu’une sale manie. J’essaie de travailler et de faire chaque phrase pour que le lecteur oublie qu’il lit, pour qu’il se dise « Olala ! Il s’est pas foulé ! » Tu vois ce que je veux dire ? C’est là que j’ai réussi mon coup, quand le lecteur se dit que c’est facile. Mais en fait il n’y a rien de plus difficile que de donner l’impression d’écrire facilement. Je déteste lire un bouquin où tu te dis « Oh putain le mec ! Il s’est donné de la peine à faire sa phrase qui dure six lignes ! Olala ! Elle est costaud sa phrase là ! Olala il écrit bien lui ! Olala ! Il nous montre ses biceps avec tous ses adverbes et ses propositions de subordination ou je sais pas trop quoi… » Non non… C’est l’inverse l’écriture. C’est donner l’impression de facilité à force de travail et d’obstination.
Tu m’as dit que tu adorais la résidence de ton éditrice à Vauvert, je sais que tu aimes beaucoup Sète… En fait tu adores notre région ! Quand est-ce que tu arrives à convaincre ton amoureuse de nous rejoindre dans le sud ?
Pour l’instant c’est elle qui essaie de me convaincre de partir dans un an vivre à Brie-Comte-Robert mon gars (rire). Donc tu vois les rôles sont plutôt inversés là ! Mais Sète j’adore parce que c’est une ville qui a su rester populaire. Et puis c’est une ville qui donne vers l’Afrique. A Sète tu peux prendre un ferry qui part vers Tanger. Tu peux te dire « je prends un bateau et je pars en Afrique ! » Ça c’est formidable.
La maison d’édition Au diable Vauvert qui t’édite depuis des années vient de fêter ses 20 ans, qu’est-ce que tu as ressenti pour cet anniversaire ?
C’était très émouvant, j’ai vu plein de nouveaux auteurs. Ils sont venus avec mes bouquins pour me les faire signer. Ils m’ont dit que j’avais beaucoup compté pour eux. Donc ça m’a touché… D’être avec Marion et de voir tout ce chemin qu’on a parcouru c’est quand même fou… Le premier livre qu’elle a édité avec le Diable c’était mon bouquin Mémoire courte et on a eu le Prix de Flore avec. C’est fou cette histoire. Et elle continue.
Recueilli par Thibault Loucheux
Photos : Olivier Gautreau