Il était attendu comme le messie. Le film qui devait relancer l’industrie du cinéma, qui peine grandement à reremplir ses salles dans un contexte sanitaire très compliqué. Christopher Nolan s’est battu pour que son bébé puisse sortir dans les salles et le plus tôt possible. Mission accomplie. Le film initialement prévu pour le 17 juillet, est finalement sorti dans nos salles le 26 aout. Mais quid du résultat ?
Le concept du film est somme toute assez simple. Il existe deux temps différents : le temps qui avance, tel que nous le connaissons depuis toujours, et un temps inversé, qui recule donc. Mais grâce à un enchaînement très rapide des scènes et un rythme effréné, Nolan va s’amuser avec le spectateur en ne le laissant pas digérer ce qu’il vient de voir, afin de mieux le noyer dans la confusion, avant de le retrouver, pour de nouveau le perdre, etc. En effet, dès la scène d’ouverture, Tenet prend le spectateur à la gorge, pour ne plus le lâcher pendant 2h30. Le film avance à vitesse grand V.
Christopher Nolan nous prouve une nouvelle fois avec Tenet l’amour qu’il porte à l’expérience de la salle de cinéma dans tous ces aspects. Tout d’abord grâce à son immense talent pour filmer l’action, avec des séquences impressionnantes (la scène de l’avion et celle de l’autoroute notamment). Le fait que le réalisateur utilise toujours majoritairement des effets spéciaux réels plutôt que des effets spéciaux numériques renforcent cette impression de spectaculaire. Le film comprend de très beaux plans et de manière générale il n’y a rien à redire sur son aspect visuel. Le travail du son est également intéressant, avec un volume sonore volontairement très élevé, une musique quasiment omniprésente et furieuse signée du talentueux Ludwig Goransson (Hans Zimmer, compositeur fétiche de Nolan, était trop occupé sur la bande originale du également très attendu Dune de Denis Villeneuve).
Malgré ces nombreux points positifs liés à la réalisation notamment, on ne peut s’empêcher de rester sur notre faim. Car si Tenet est sublime sur la forme, le fond est décevant car il ne nous surprend pas, il est parfois même prévisible. Nous regardons le film que l’on nous a présenté dans les bandes-annonces. Et c’est tout. Nolan semble s’être tellement concentré sur son concept temporel qu’il en a oublié le scénario en lui-même, qui manque cruellement de consistance. A l’image de ses personnages, tous brillamment interprétés (mentions spéciales à Elizabeth Debicki et Robert Pattinson), mais bien trop peu développés. Le personnage principal, interprété par John David Washington (fils de Denzel), n’a pas de nom et se fait appeler simplement « Le Protagoniste », en plus de n’éprouver quasiment aucune émotion à l’écran. L’absence de personnalité des personnages principaux avait déjà été pointée du doigt dans son film précédent, Dunkirk.
En résumé, Tenet est un très bon film d’espionnage, dont le contexte de guerre froide n’est pas sans rappeler certains films de la saga James Bond, dont Christopher Nolan est un grand fan. Il a le mérite de proposer un semblant d’originalité dans le genre du « spy thriller » en y mêlant temps en avant et temps en arrière. Malheureusement son scénario manque de solidité et peine à nous présenter autre chose que de belles images. Ça n’en fait pas un mauvais film pour autant, loin de là. Mais avec le metteur en scène de The Prestige et The Dark Knight, il est totalement légitime d’être exigeant et d’en demander davantage. De plus, le réalisateur britannico-américain est loin d’avoir exploité la notion du temps pour la première fois avec Tenet. Excepté dans sa trilogie Batman, il a presque toujours, d’une manière ou d’une autre, utilisé le temps comme élément essentiel de son histoire. De Following, son premier long-métrage, en passant par Memento et Inception. Un élément qu’il semble maintenant avoir exploité au maximum, comme il l’a déclaré lui-même à Première « Tenet synthétise tout ce qui m’obsède depuis des années. ». Peut-être est-ce à présent le moment pour Christopher Nolan d’ouvrir une nouvelle page dans sa carrière de réalisateur, d’aborder de nouvelles thématiques, de nous surprendre, tout en continuant de nous en mettre plein les yeux et les oreilles. Car lorsqu’il réussit à réunir tous ces facteurs, il tutoie les plus grands de ses congénères.
Super article