Perchée comme une sentinelle au-dessus des entrailles du monde, une créature aux visages changeants semble prendre acte d’une chose sur le point d’exploser. Dans son costume d’oiseau qui aurait rencontré la science-fiction, Flora Détraz regarde depuis son perchoir ce que cette brèche, ouverte sous ses pieds, est en train de révéler. Composant avec elle comme un animal se familiarise avec son nouvel environnement, elle traverse des images qui, dans le chaos de leur enchaînement, mettent à jour le portrait d’un monde nouveau. Autour de ce cratère béant sur le cœur de la Terre, l’interprète nous effraie et nous perturbe en extirpant bruits, sensations et angoisses de la boîte de Pandore qui bouillonne sous nos pieds.
Accompagnée au plateau par les percussions de Miguel Filipe et l’univers sonore développé par Claire Mahieux, Flora Détraz passe par les sons pour concevoir Hurlula. À la croisée – explosive – des hululements d’oiseaux et des hurlements en tous genres – des rires aux cris de douleurs en passant par le chant –, la chorégraphe conçoit une forme aux allures d’expérimentation derrière laquelle se lit cependant une écriture précise et pertinente. Matière essentielle à cette création, le son y est travaillé avec beaucoup d’expertise par les deux musiciens, qui parviennent à proposer une trame cohérente entre percussions, larsens et bruitages SF, sans aller jusqu’à l’écœurement.
Au sein de cet univers post-apocalyptique minimaliste – la scénographie de Nadia Lauro et les lumières d’Arthur Gueydan sont particulièrement efficaces dans leur parcimonie –, Flora Détraz passe de la communication non verbale au langage articulé, comme pour faire l’état des lieux de ce qu’il resterait d’un monde qui disparaît. À partir de ces résidus, elle finit par imaginer un recommencement où les espèces se mêlent pour tout reprendre à zéro. Au fond de cette boîte de Pandore persisterait ainsi la poésie, attendant sagement la fin des cris pour se révéler.