Dans une ouverture toute en énergie, en invectives et en débats, les huit interprètes nous prennent à partie en plein milieu d’une séance de questions au gouvernement à l’Assemblée nationale. Peu de temps avant, un professeur de collège a cédé à la pression qu’il subissait depuis des années. N’y tenant plus, il a franchi l’infranchissable en prenant sa classe en otage. Ni une ni deux, le ministère réagit et s’empêtre dans un discours aux formules toutes faites et vides de sens.
À la rentrée suivante, une nouvelle CPE est nommée dans un collège du Réseau d’Éducation Prioritaire (REP). Parachutée ici pour s’assurer de la bonne mise en œuvre du dispositif strict et prétendument efficace imposé par l’exécutif, elle nous emmène avec elle dans une confrontation soudaine, brusque et parfois violente de ses attentes et de sa mission qui se heurtent à la réalité du terrain.
En moins de temps qu’il n’en faut pour le dire, les personnages au plateau nous immergent dans la vie de ce collège et, plutôt que nous en raconter le quotidien, nous y impliquent directement. De cette manière, le texte et la mise en scène se complètent dans un travail particulièrement intelligent qui, privilégiant le ressenti et l’approche documentaire du sujet, évitent avec tact le piège de la didactique ou du moralisme.
Entremêlant les petites histoires personnelles, relationnelles et professionnelles qui font le grand récit de ce spectacle, Qu’il fait beau cela vous suffit aborde tout le nécessaire et ne reste en surface de rien. Élèves, parents, enseignants, corps administratif, sphères décisionnaires… Tous les points de vue se trouvent confrontés, à un moment ou à un autre, à la réalité de l’autre et, d’une façon tendrement pessimiste, à l’impossibilité d’une solution commune.
Car malgré toutes les volontés, individuelles ou collectives, qui émergent peu à peu en réponse aux difficultés rencontrées, la pièce finit par ne dresser qu’un portrait, particulièrement juste et poignant, de notre système éducatif tel que nous le connaissons, et tel qu’il semble vouloir se figer, s’embourber, depuis des années. Porté par un ensemble d’interprètes éminemment convaincants dans leurs performances propres ou dans leur énergie de troupe, le spectacle suscite de fortes émotions sociales, démocratiques et humaines.
Il n’est pourtant pas seulement question de s’apitoyer ici. Conjuguant avec finesse de multiples registres, Mélanie Charvy et Millie Duyé font preuve d’une écriture sans fausse note qui, ne boudons pas notre plaisir, ne laisse aucune place aux temps morts et nous fait rire en temps utile. On sent d’ailleurs dans le texte et son interprétation tout le travail de documentation et de témoignage effectué en amont, jouant pertinemment sur la sincérité du propos et de son rendu.
À ces éléments d’une belle valeur s’ajoute enfin une scénographie qui, là aussi, révèle un grand travail de précision et de réflexion artistique. Dans un espace évolutif qui trouve systématiquement sa place et son sens, on ne peut que regretter l’exiguïté du plateau accueillant une pièce qui, de toute évidence, mériterait un terrain de jeu plus grand. Rien cependant qui puisse desservir cette version adaptée spécifiquement pour Avignon, et qui se positionne sans détour parmi nos coups de cœur de cette édition !