« Une assemblée des femmes, aujourd’hui » plus vraie que nature

Lieu bucolique par excellence au cœur du Domaine d’O, les micocouliers accueillent chaque année une partie de la programmation du Printemps des Comédiens. Cette année, c’est le vacarme du monde qui s’y est donné rendez-vous dans un contexte extrêmement sensible, avec Une assemblée des femmes, aujourd’hui de Roxane Borgna, Jean-Claude Fall et Laurent Rojol.

Peter Avondo
Peter Avondo  - Critique Spectacle vivant / Journaliste culture Vu au Printemps des Comédiens
4 mn de lecture

Il arrive que la réalité vienne altérer, interroger ou réinterpréter la fiction ou la création artistique. Lorsque Roxane Borgna, Jean-Claude Fall et Laurent Rojol s’associent, en 2021, pour créer Une assemblée des femmes, aujourd’hui en adaptant la pièce d’Aristophane à la politique palestinienne, ils ne se doutent pas que trois ans plus tard, c’est à l’ombre d’une guerre à la violence inouïe qu’ils reprendront le projet dans le cadre du Printemps des Comédiens. Et comme si le sang versé entre Israël et la Palestine ne suffisait pas, le sort aura voulu que les représentations soient teintées de l’annonce des résultats effrayants aux élections européennes, qui précédaient la dissolution de l’Assemblée nationale. Autant dire que, sous les micocouliers du Domaine d’O encore humides de l’orage survenu l’après-midi même, c’est dans une ambiance particulièrement pesante que le public a investi les gradins en ce dimanche soir.

Spécialement adaptée pour l’extérieur à l’occasion de sa reprise, Une assemblée des femmes, aujourd’hui invite donc les spectateurs à une lecture contemporaine de la comédie héritée d’Aristophane. Dans sa pièce, l’auteur grec imaginait la ville d’Athènes laissée en gérance aux mains des femmes, après que celles-ci aient obtenu le pouvoir par la ruse démocratique. Dans leur version conjointe, Roxane Borgna, Jean-Claude Fall et Laurent Rojol ont choisi de mêler le témoignage documentaire à la dramaturgie du théâtre pour transposer ce récit. Ainsi le jeu des interprètes répond-il, au plateau, aux images tournées en amont de femmes palestiniennes, qui apportent une dimension réelle au texte qui leur fait écho.

Une assemblée des femmes, aujourd’hui © Laurent Rojol

Et si on ne peut en aucun cas enlever à cette création toute sa pertinence, notamment au regard des témoignages qu’elle apporte sur la manière dont les femmes palestiniennes envisagent leur propre situation au sein de leur société, il est indéniable que le contexte dans lequel cette pièce est présentée alourdit nettement la représentation. Derrière l’interprétation pourtant généreuse des comédiennes et comédiens, on décèle tout le poids d’un peuple que l’on décime à quelques centaines de kilomètres de là. Difficile, dès lors, de discerner la comédie que l’on aimerait pourtant voir éclater. Mais l’heure n’est pas à la fête, la représentation est amputée de sa célébration finale, remplacée par un café noir offert en guise d’adieu, cette boisson que l’on sert traditionnellement quand il y a des morts… 

Espérons que l’on puisse bientôt assister de nouveau à Une assemblée des femmes, aujourd’hui. Espérons que l’on puisse en rire et que l’on danse joyeusement autour de cette utopie.


Une assemblée des femmes, aujourd’hui
Création 2021 – Institut Français de Jérusalem
Vu au Printemps des ComédiensDomaine d’O – Montpellier

Crédits

Avec : Iman Aoun, Fatima Abu Alul, Shaden Saleem, Ameena Adileh, Nidal Jubeh, Mays Assi, Firas Farrah et Nicola Zreineh / Un spectacle coréalisé par Roxane Borgna, Jean-Claude Fall et Laurent Rojol

Dates
Partager cet article
Avatar photo
Par Peter Avondo Critique Spectacle vivant / Journaliste culture
Suivre :
Issu du théâtre et du spectacle vivant, Peter Avondo collabore à la création du magazine Snobinart et se spécialise dans la critique de spectacle vivant. Il intègre en mars 2023 le Syndicat Professionnel de la Critique Théâtre Musique Danse. 06 22 65 94 17 / peter.avondo@snobinart.fr
Laisser un commentaire

Abonnez-vous au magazine Snobinart !