Les pièces conçues par Mourad Merzouki sont foisonnantes, multiples, elles se jouent au carrefour des disciplines, ne s’enferment dans rien et s’ouvrent à tout. Pour lui comme pour ses interprètes, la danse est une fête – en témoigne d’ailleurs la générosité avec laquelle ils ponctuent leur représentation dans une ultime célébration. Autant dire qu’avec Zéphyr, spectacle imaginé pour le départ du Vendée Globe 2021, l’occasion était trop belle de lier ce désir de liberté aux forces de la nature qui modèlent le quotidien des navigateurs.
Tour à tour confrontés aux tempêtes élémentaires, aspergés par les embruns, réfugiés en fond de cale ou faisant voile vers l’horizon, les corps au plateau passent par bien des états. Mais dans tous ces mouvements – collectifs ou solitaires – qui composent la pièce, une aspiration subsiste : celle de l’émancipation. Comme bringuebalés par le roulis, les interprètes évoluent avec une certaine fluidité, des tableaux d’ensemble aux élans désynchronisés, cherchant par les airs autant que par le sol une issue commune.
Dans cette quête, la scénographie de Benjamin Lebreton s’ouvre peu à peu aux quatre vents, structurant progressivement la chorégraphie entre symboles et évidences. Au cœur de cet écrin résonne la musique aux inspirations folklo-lyrico-hip-hop signée Armand Amar, qui embarque la pièce – et le public – dans un univers qui s’affranchit des genres et invente le sien. C’est finalement par le travail précis et ingénieux des lumières de Yoann Tivoli que Zéphyr se révèle pleinement. Sculptant les zones d’ombre et les silhouettes, les reflets et les suggestions, il crée des images qui flirtent parfois avec l’illusion et apportent une dimension nouvelle à ce qui se joue au plateau.
Sur scène, les danseurs et danseuses de la compagnie Käfig sont un autant qu’ils sont dix. Donnant corps à une chorégraphie qui emprunte aussi bien au ballet qu’au break ou à la danse contemporaine, et dans une dynamique qui reste marquée par le hip-hop cher à Mourad Merzouki, chacun apporte son identité et sa personnalité à l’édifice qu’est Zéphyr. Et si les mouvements qui cherchent à les élever sont marqués par une énergie et une passion infaillibles, c’est bien au sol que les interprètes prennent leur plus bel envol. Le public ne s’y trompe pas, cet appétit de liberté est communicatif, et contre vents et marées, la danse reste une fête.