Le Printemps des Comédiens n’aura jamais aussi bien porté son nom. Dans Un Hamlet de moins, la part belle est faite au jeu, sans fioriture, sur une scène éclairée de lumière froide, comme le reflet du smartphone que les personnages se plaisent à exhiber à leurs partenaires. Car si ce sont bien Hamlet, Ophélie, Laërte et Horatio (tous les quatre issus de la pièce de Shakespeare) qui évoluent face au public, ces versions abîmées d’eux-mêmes ont atterri à notre époque, quatre siècles plus tard.
La folie faisait déjà partie intégrante de la pièce originelle, bien que souvent associée exclusivement au personnage d’Ophélie. Pourtant, à y regarder de plus près, lequel d’entre eux n’en est pas effectivement atteint ? Où commence la folie et finit-elle seulement ? A-t-elle déjà fini un jour ? Sous couvert de la plume de Shakespeare, dont il s’amuse à reprendre certaines répliques, Olivier Saccomano signe une pièce déroutante, juste et donc effrayante sur notre époque.
Quand avons-nous définitivement perdu la tête, si tant est que nous l’ayons eue sur les épaules un jour ? C’est en substance la question que pose aussi la mise en scène de Nathalie Garraud. Les personnages sont à la fois si loin de nous dans leurs excès et leur histoire, et néanmoins si proches, tandis qu’ils se laissent aspirer par les réseaux sociaux et la surconsommation de musiques et de vidéos, oubliant le réel et perdant le fil de leur existence.
Ici, le public n’est pas venu pour observer, il est même le cinquième personnage essentiel, témoin de ce qui se joue sous ses yeux, et sans qui rien ne pourrait avoir lieu. Les spectateurs ne sont pas dissimulés dans la pénombre, mais au contraire éclairés jusqu’au terme, pour devenir le miroir face auquel les personnages se découvrent. On en viendrait d’ailleurs presque à regretter que le public ne soit pas face à lui-même, dans ce questionnement de la folie collective, où les choses semblent se répéter inlassablement, sans trouver d’issue véritablement positive.
Une tragédie moderne, donc, qui ne renie pas pour autant la légèreté et l’humour, bien qu’il fasse parfois grincer des dents. Un Hamlet de moins sera encore visible jusqu’à la fin du Printemps des Comédiens, samedi 19 et dimanche 20 juin, puis du 24 au 26 juin à 20h au Théâtre des 13 Vents. Le festival se poursuit également dans les autres lieux. Le programme est à retrouver sur le site de l’événement.