À quoi ressemblerait l’histoire de Crin-Blanc si elle était écrite en 2024, à une époque notamment marquée par les vies innombrables qui se perdent en Méditerranée dans l’espoir d’une vie meilleure ? C’est en substance la question que se pose Toni Cafiero, qui présente sa nouvelle création intitulée Les Hommes bleus au Théâtre Jacques Cœur de Lattes. Portant au plateau un texte multiple, rassemblant les plumes de Sarah Fourage, Ali Zamir et Abdelaziz Baraka Sakin, le metteur en scène invite à une plongée dans le chaos des crises migratoires.
Travaillant avec minutie à la création d’images, notamment aux côtés de Patrick Meeus – pour la scénographie et la lumière – et du vidéaste Nicolas Crespo, Toni Cafiero imagine un spectacle de l’esthétique derrière lequel on décèle un héritage de la tradition opératique. Il conçoit ainsi un espace-temps qui a ses propres contraintes et au sein duquel le récit, comme un recueil de textes cousu-main, semble se ficeler tant bien que mal pour raconter le pire. Ici les vies s’entremêlent, comme la réalité au fantastique, donnant lieu à une pièce du ressenti et de la fragilité.
Du mythe originel de Crin-Blanc subsiste ainsi un cheval de Camargue, qui apparaît au plateau pour faire le constat d’une humanité qui se serait perdue. Sa liberté, il l’a acquise là où d’autres, engagés dans une dangereuse traversée, l’ont égarée sous les lois des autres. Témoin impuissant de ce dont seuls les humains sont responsables, il se fait finalement à nouveau symbole de l’indépendance… et de l’humanité.