À l’origine de ce dossier, il y a une publication sur les réseaux sociaux. Comme quoi tout n’y est pas (encore) à jeter. Dans mon fil d’actualités apparaît une iconographie aussi simple qu’efficace, un mémo comme une liste de courses destinée à donner un visage au fascisme. En quatorze points résumés, l’image reprend en réalité les symptômes identifiés par Umberto Eco dans un discours prononcé en 1995, qui deviendra ensuite un petit livre publié et republié : Reconnaître le fascisme. Pour sa réédition poche de 2024 dans la collection Les Cahiers Rouges, la maison Grasset le qualifie de « vade-mecum indispensable pour temps dangereux ». Force est de constater qu’à s’y référer, la période ressort plus sombre encore que ce qu’on pourrait le penser.
Tirant notamment ses leçons des régimes menés par les indissociables Mussolini et Hitler, l’écrivain italien tente de dresser un portrait du fascisme générique. Ce qui n’est pas chose aisée, la complexité de tout fascisme résidant précisément dans son caractère insidieux et sournois. Comme Eco le dit lui-même : « Ce serait tellement plus confortable si quelqu’un s’avançait sur la scène du monde pour dire : « Je veux rouvrir Auschwitz, je veux que les chemises noires reviennent parader dans les rues italiennes ! » Hélas, la vie n’est pas aussi simple ». Pour l’auteur, il s’agit alors d’établir un faisceau d’indices qui permettrait de donner un nom à l’invisible, espérant ainsi pouvoir le prévenir à défaut de l’empêcher.
Dans sa réflexion, Umberto Eco distingue quatorze caractéristiques dont il prévient : « beaucoup se contredisent réciproquement et sont typiques d’autres formes de despotisme ou de fanatisme. Mais il suffit qu’une seule d’entre elles soit présente pour faire coaguler une nébuleuse fasciste ». Voilà qui interpelle quand, dans le souvenir que j’ai de cette photo sur les réseaux sociaux, l’ensemble des systèmes qui dirigent notre monde semble précisément cocher l’intégralité des cases…
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