Il ne reste presque plus rien, quelques amas de pierres en fond de scène qui laissent encore penser que quelque chose a pu se passer ici. Le reste est nu, vaste et inhabité. Pourtant Éléna Doratiotto et Benoît Piret ont choisi cet espace pour convoquer ce qui persiste d’un héritage rituel du théâtre. Car sur ce plateau ouvert aux quatre vents, les figures de la tragédie grecque semblent errer en permanence. Comme insensibles aux affres du temps, elles attendent peut-être que vienne à nouveau l’heure de leur réplique. Composant avec le décor – monumental bien qu’imaginaire – d’un ancien palais tombé en ruines, Par grands vents joue ainsi d’emblée avec ce que peut le récit.
Il faut dire qu’en-dehors de ces présences – celles d’acteurs d’aujourd’hui aux côtés de personnages d’hier –, tout ce qui constitue cette pièce est affaire de poésie dans son sens le plus large. Ici et maintenant se rencontrent les textes qui ont traversé les siècles et ceux dont l’encre n’est pas encore sèche. Par grands vents devient ainsi prétexte à un théâtre qui prend vie par les mots avant tout. Et pour cause, sans la parole ne subsistent que le silence instable et le geste suspendu, de ceux qui laissent planer des doutes quant à leur intentionnalité.
Sous couvert d’un goût certain pour l’absurde, Éléna Doratiotto et Benoît Piret cherchent à développer un fil de pensée qui s’insurge contre la perte de sens. Mais à l’heure de la création de Par grands vents, le rythme incertain et les degrés inégaux d’interprétation rendent le registre difficile à tenir. Pour autant, quelques envolées textuelles se démarquent aisément au service d’une dramaturgie qui va par ailleurs plus loin que la simple poésie des mots ; ici se questionnent aussi les notions de mémoire, de témoignage et de subjectivité de l’Histoire. Passés, présents ou à venir, les récits prennent – en ce lieu qu’est le théâtre comme dans la culture collective – la forme qu’on veut bien leur prêter.
Par grands vents
Crédits
texte et mise en scène :Éléna Doratiotto et Benoît Piret / avec : Éléna Doratiotto, Tom Geels, Fatou Hane, Bastien Montes, Benoît Piret et Martin Rouet en alternance, Marthe Wetzel / assistanat à la mise en scène : Nicole Stankiewicz / collaboration à la dramaturgie : Anne-Sophie Sterck / regards complices : Conchita Paz, Jules Puibaraud / scénographie : Matthieu Delcourt / costumes : Claire Farah / lumière et régie générale : Philippe Orivel / régie plateau : Clément Demaria / stagiaire assistanat et production : Armelle Puzenat
Dates
- Du 17 au 20 octobre 2024 : Les Célestins, Théâtre de Lyon dans le cadre de Contre Sens
- Du 7 au 16 novembre 2024 : Théâtre Les Tanneurs (Bruxelles)
- Du 12 au 14 mars 2025 : Théâtre des 13 vents (Montpellier)
- Du 9 au 10 avril 2025 : Malakoff scène nationale (Malakoff)