Portes qui claquent, quiproquos à n’en plus finir, situations rocambolesques et rythme effréné : pas de doute, c’est bien dans l’univers de Feydeau que nous plonge Lilo Baur avec La Puce à l’oreille. Le cadre dans lequel elle place son vaudeville, en revanche, a peu à voir avec le début XXe qui coïncide avec son écriture. Exit la bourgeoisie très Troisième République, au profit de celle – non moins risible dans sa demeure haut-de-gamme à la montagne – des années 1960. Suivant la partition déjà minutieuse du texte, la metteuse en scène se crée ainsi un espace de liberté au sein d’une œuvre qui laisse pourtant peu de portes ouvertes.
Cherchant à alimenter le potentiel intrinsèquement comique de la pièce de Feydeau, Lilo Baur retient de cette décennie les éléments les plus emblématiques. Coiffures parfaites, costumes colorés, déco kitsch à souhait, elle joue avec les clichés comme on dessine un cartoon et trouve dans l’excès un équilibre qui se tient. Au plateau, les interprètes de la Comédie-Française rivalisent d’accents poussés à l’extrême, de gestuelles extravagantes comme on en voit chez Chaplin ou Keaton, et semblent prendre sur scène le même plaisir que le public qui les regarde.
Dans cette version qui donne l’air de ne pas se prendre au sérieux, la troupe du Français sert pourtant un spectacle rigoureux qui ne laisse aucune place à l’erreur. La dynamique et l’ingéniosité de Feydeau s’y développent sans accroc et génèrent – à défaut d’une critique sociétale profonde – un vrai plaisir de théâtre. Après tout, que demander de mieux d’une pièce dont l’intrigue elle-même n’a lieu que parce qu’on la provoque ? La Puce à l’oreille est un prétexte au jeu, et Lilo Baur s’en empare avec délectation.