« Girls and boys » dans l’approche sensible de Noémie Nicoloso

Créé en 2020 comme travail de fin d’études au Cours Florent de Montpellier, Girls and boys est l’un des premiers projets portés par la compagnie Magaera. Dans sa proposition, la comédienne et metteuse en scène Noémie Nicoloso s’empare avec délicatesse du texte de Dennis Kelly.

Peter Avondo
Peter Avondo  - Critique Spectacle vivant / Journaliste culture
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L’espace blanc qui se resserre autour d’elle porte encore les stigmates d’un temps passé, celui d’une vie de famille ordinaire. Pour autant, ne subsiste aucun cri ni rire d’enfant, aucune tâche sur le sol et les meubles immaculés, aucun désordre qui pourrait laisser penser qu’un jeu quelconque vient d’être interrompu. Le récit est bien celui d’une mère, mais il n’en revêt pas les attributs. Dans Girls and boys, le texte de l’auteur britannique Dennis Kelly est avant tout prétexte à la rencontre entre cette jeune femme, animée par le besoin de se livrer, et le public qu’elle prend d’emblée à témoin de sa propre tragédie.

À travers une mise en scène qui joue avant tout sur l’intime, Noémie Nicoloso aborde cette pièce sur le ton de la confession. Plongeant dès les premiers instants son regard dans les yeux des spectateurs, elle établit un lien de confiance et d’empathie, à la faveur de la proximité voulue par le dispositif. Dès lors, le monologue dans lequel elle s’engage se transforme peu à peu en un tourbillon dont la puissance se révèle progressivement. De souvenir en anecdote, qui semblent la retraverser à chaque instant, la jeune femme reconstitue la vie et la mort de son couple. Ainsi mène-t-elle imperceptiblement le public vers l’inexorable tragédie qui la torture.

© Lucie Clemens

S’appuyant sur le texte, qui recèle déjà un certain sens du non-dit et de l’état d’attente, l’interprétation de Noémie Nicoloso en dévoile toute une palette de nuances. Sans dramatisation aucune, elle met ainsi à profit l’intimité créée avec le public pour lui servir un récit qui oscille entre faits et sensibilité. Semblant vouloir se détacher de la réalité avant de se faire rattraper par sa violence, la jeune femme paraît condamnée à revivre éternellement la même douleur. Girls and boys devient alors l’opportunité de partager sa souffrance à défaut de l’effacer, une rencontre sans issue qui fait de la parole une première étape possible de la délivrance.


Girls and boys

de Dennis Kelly éditée chez L’Arche – traduction Philippe Le Moine / Mis en scène et interprété par Noémie Nicoloso / Assistants à la mise en scène et régisseurs Clément Ducros et Thibaut Nogara Granier

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Par Peter Avondo Critique Spectacle vivant / Journaliste culture
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Issu du théâtre et du spectacle vivant, Peter Avondo collabore à la création du magazine Snobinart et se spécialise dans la critique de spectacle vivant. Il intègre en mars 2023 le Syndicat Professionnel de la Critique Théâtre Musique Danse. 06 22 65 94 17 / peter.avondo@snobinart.fr
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