Ce n’est ni triste ni gai, ce qui se joue l’après-midi sur la scène de la Salle Tomasi. Ce pourrait être tout l’un ou tout l’autre, mais le texte et la mise en scène de Pour combler le silence en font « simplement » une tranche de vie, certes déconcertante, à laquelle on s’attache pourtant, cherchant à déceler jusqu’au terme ce qui est vrai et ce qui ne l’est pas.
Le fond de la pièce, lui, est évident. Il tourne autour du rapport à l’autre au sein d’un couple, des sentiments contraires et parfois tus qui y sont liés, de la fragile frontière qui sépare l’amour de la haine viscérale. Il parle de la violence sous-tendue en chacun, qu’un détail pourrait réveiller d’un moment à l’autre. Il évoque les petits arrangements pas tout à fait vertueux que l’on fait avec ceux qui pourraient nous déranger, aussi bien que l’indifférence généralisée qui nous encercle et nous autorise parfois à outrepasser certaines limites plus ou moins morales.
L’écriture d’Elliot Delage est sensible et témoigne d’une tendre animosité, au sein d’une pièce qui traite pourtant de sujets des plus délicats. Une manière parfaitement originale d’évoquer les violences conjugales. Avec beaucoup de délicatesse, la mise en scène oscille entre l’abstrait et l’évidence, en écho au texte qui, lui aussi, balance entre secrets et aveux. La normalité avec laquelle les personnages s’adaptent à une situation pourtant gravissime apporte une dimension presque malsaine dont on peut difficilement se détacher.
Outre le sujet profond de la pièce, la modernité du texte est un atout rare : pour une fois, la violence intraconjugale est abordée à double sens. Aucun des personnages n’est tout à fait pointé du doigt, aucun n’est tout à fait innocent, y compris les témoins involontaires. Même la résolution finale laisse le spectateur dans une réflexion perplexe qui ne souffre pas de vérité absolue. Une belle découverte sur ce festival pour ce spectacle qui cherche à creuser son propre chemin sur un sujet qui manque parfois d’ouverture.