Notre corps en dit bien plus long sur nous que nous ne pourrions le penser. Et pour cause, son existence physique et visible en fait l’une des premières parts de nous que l’on offre au regard des autres. Ainsi nous détermine-t-il, parfois malgré nous et en dépit de notre identité, faisant de cette Tendre Carcasse un cocon que l’on chérit autant qu’une enveloppe que l’on déteste. Avec lui vient aussi un certain nombre de comportements plus ou moins avouables, plus ou moins intimes, ces petits défauts ou ces mauvaises habitudes qui nous caractérisent mais que l’on préfère souvent garder secrets. De ces gestes du quotidien, de ces manières très personnelles de fonctionner ou d’évoluer, Arthur Perole a choisi d’en faire le matériau chorégraphique de sa dernière création.
L’artiste n’en est pas à ses premières réflexions autour du corps et de sa place dans la société. Dans Tendre Carcasse, c’est pourtant par les voix, plateau nu, qu’il choisit de susciter la curiosité. Depuis les coulisses, Arthur Bateau, Matthis Laine Silas, Elisabeth Merle et Agathe Saurel, micros ouverts, s’apprêtent à entrer sur scène. Dans une conversation décomplexée, ils disséminent sans le savoir les premiers indices de leurs personnalités respectives. Sans en donner ouvertement l’impression, Arthur Perole développe lui aussi, avant même l’apparition de ses danseurs, les axes interdépendants autour desquels il va travailler son écriture : les questions des apparences, des identités et de leurs acceptations.
Se raccrochant à ces uniques voix, les spectateurs ont tout loisir de s’imaginer les corps, les visages et les allures des personnes à qui elles appartiennent. Ainsi le public joue-t-il le jeu que l’on attend de lui, celui d’une société composée d’êtres humains inconsciemment bourrés de préjugés envers leurs semblables. En réponse à ces injonctions ou à ces attentes, Arthur Perole fait prendre à ses interprètes des postures inspirées de leurs récits personnels, assumant le lieu de sa dramaturgie comme un espace de représentation. De cette manière, le chorégraphe travaille à un duel plein d’humour et de tendresse entre l’être et le paraître, dans une série de confessions qui participent d’un lien de plus en plus sensible entre la salle et le plateau.
D’ailleurs tout, dans Tendre Carcasse, se dévoile lentement à mesure que les danseurs se livrent. Comme leurs costumes qui laissent peu à peu apparaître la part la plus assumée d’eux-mêmes, les interprètes se révèlent de geste en geste tandis que la bande son de Benoit Martin s’intensifie jusqu’à l’expressivité des corps poussée à son maximum. Au fil d’une métaphore très lisible, Arthur Perole et sa troupe affirment leur droit à être soi et font de cette acceptation une fête. Dans une énergie communicative, cette pièce est portée par des artistes généreux dont l’authenticité se partage sans effort, effaçant presque derrière son naturel le travail évidemment précis qui en est à l’origine. Au terme, c’est donc la sincérité qui l’emporte sur les attitudes, voilà qui fait un bien fou !
Tendre Carcasse
Création 2023
Vu au CDCN Les Hivernales dans le cadre du Festival Off Avignon
Crédits
Conception et mise en scène : Arthur Perole / Chorégraphie en collaboration avec les interprètes : Arthur Bateau, Matthis Laine Silas, Elisabeth Merle, Agathe Saurel / Collaborateur artistique : Alexandre Da Silva / Création lumières : Anthony Merlaud / Création musicale et régie son : Benoit Martin / Création costumes : Camille Penager / Régie générale, lumières : Nicolas Galland
Dates
- Du 6 au 16 juillet 2024 | CDCN Les Hivernales – Festival Off Avignon
- 8 au 10 octobre 2024 | Châteauvallon, scène nationale Toulon
- 21 janvier 2025 | Scène 55 Mougins
- 7 au 9 mars 2025 | Chaillot – Théâtre Nationale de Danse, Paris
- mars 2025 | festival le Grand Bain – Le Gymnase CDCN Roubaix
- 14 et 15 mai | Point communs – scène nationale, Cergy