Nul besoin d’explication pour comprendre ce que représentent ces grands cubes blanc étalés aux abords des salins de Villeneuve-lès-Maguelone. Ouvrant le regard sur l’horizon, ces morceaux de glace reconstitués se sont échoués là, pas vraiment par hasard, et deviennent bientôt le théâtre d’une étrange performance. C’était la volonté de l’Association W, qui souhaitait mêler l’art contemporain au spectacle vivant. Un projet qui fait sens et qui se traduit par une parenthèse contemplative à plusieurs lectures.
Le floe est un grand morceau de glace qui s’est désolidarisé de la banquise. Métaphore évidemment et éminemment écologique, la performance qui s’en suit n’en est pas pour autant didactique. Elle cherche simplement à faire regarder le public dans une direction commune, pendant un temps donné, une sorte de constat du monde sans victime et sans coupable, une photographie à l’instant T.
La structure, conçue par le plasticien Vincent Lamouroux, sert alors de terrain de jeu à un danseur acrobate qui évolue de bloc en bloc dans une série de mouvements. Aucune musique si ce n’est le chant des oiseaux alentour. Aucune lumière hormis le soleil couchant qui découpe la silhouette de l’artiste. Seulement le monde et nous, espèce humaine contemplant la terre sur laquelle nous vivons.
Dans une grande simplicité, la performance est sensée et soulève quelques interrogations pertinentes. De la tentative de l’équilibre sur un sol instable à la nécessité d’avancer sans véritablement le faire, de la chute évitée de justesse à l’angoisse de l’inconnu, ce danseur sur glaçons symbolise malgré lui l’être humain dans ce qu’il a de plus complexe dans son rapport avec la nature qui l’entoure.
Une contemplation performative qui a en tout cas le mérite de suspendre le temps pour les spectateurs présents. Car en l’absence d’artifices, la poésie s’instaure tout de même, en témoigne un silence presque religieux durant les trente minutes que dure la représentation.