Toni Grand, sculpteur du vivant

Le Musée Fabre rend également hommage à Toni Grand. Avec cette exposition intitulée Morceaux d’une chose possible, l’institution montpelliéraine poursuit ses recherches autour du Supports/Surfaces, mais souhaite aussi faire découvrir une figure majeure de la sculpture contemporaine après la rétrospective autour des œuvres de Germaine Richier l’été dernier.

Thibault Loucheux-Legendre  - Rédacteur en chef / Critique d'art
4 mn de lecture
Sans titre (1989) de Toni Grand, exposition "Toni Grand morceaux d'une chose possible" au Musée Fabre - Photo : Thibault Loucheux-Legendre / Snobinart

La dernière grande exposition consacrée à Toni Grand s’est déroulée il y a plus de dix ans au MAMCO de Genève. C’est pourquoi le Musée Fabre a décidé de rendre visible l’importance de ses créations sculpturales en lui dédiant l’ensemble de son espace d’exposition temporaire au rez-de-chaussée, soit près de 850 m2.

Né à Gallargues (Gard) en 1935, Toni Grand rencontre Claude Viallat durant son enfance et restera en relation avec lui. Il a brièvement étudié à l’école des Beaux-Arts de Montpellier avant de se former dans les ateliers parisiens à partir de 1962. Il expose pour la première fois à la Biennale de Paris en 1967, se rapproche du mouvement Supports/Surfaces dans les années 1970 avant de représenter la France à la Biennale de Venise avec Simon Hantaï en 1982. C’est à partir de cette décennie que sa création devient le centre d’expositions d’envergure en France comme au Centre Pompidou en 1986, au Musée d’art contemporain de Lyon en 1989, au Musée Rodin en 1990, aux Galeries nationales du Jeu de Paume en 1994, mais également en Angleterre ou aux États-Unis. S’il est souvent affilié au Supports/ Surfaces, Toni Grand ne s’est jamais revendiqué du mouvement. Son appartenance à la deuxième partie du XXe siècle nous affirme des liens évident avec le dernier mouvement d’avant-garde français et avec la sculpture minimale, mais les matières et formes de ses productions affirment pourtant une grande singularité, lui conférant ainsi un statut difficilement classable ci ce n’est celui de révolutionnaire de la pratique sculpturale.

Exposition « Toni Grand, morceaux d’une chose possible » au Musée Fabre – Photo : Thibault Loucheux-Legendre / Snobinart

Réunissant près de soixante-dix œuvres, cette rétrospective invite les spectateurs à découvrir la carrière artistique de Toni Grand à travers unescénographie magistrale et un parcours divisé en quatre sections : « Du bricolage sans importance »« Le double-jeu de la sculpture »« Le vivant et le fossilisé… » et « Dénaturer l’art. Couleur, géométrie, éléments industriels ». L’exposition débute par des œuvres emblématiques des années 1970, au moment où ses créations prennent une tournure radicale. Il s’inscrit dans le registre de la sculpture minimale autour du dépouillement, déconstruisant la sculpture traditionnelle et utilisant exclusivement le bois qui conserve son mouvement naturel. La matière est travaillée avec un geste simple s’approchant de l’artisanat. Dans la deuxième partie de l’exposition, nous découvrons d’autres matériaux, notamment une double colonne gigogne en acier qui fait écho à cette forme déjà érigée en 1982 à l’occasion de sa participation à la Biennale de Venise avec Simon Hantaï. Cette exploration se poursuit avec la pierre, l’os, la résine et même le poisson… amenant ainsi ces pièces à nous interroger sur leur relation au corps. Toni Grand détourne les formes minimalistes pour les reconnecter au vivant. Plus nous avançons dans l’exposition, plus les œuvres se complexifient, notamment par l’hybridation.L’artiste relie « la forme de la sculpture aux problématiques du vivant, alliant l’artificiel au naturel, le construit au fluide ». Il utilise alors l’assemblage et le modelage de résines synthétiques qui permettent de révéler la matière organique qu’elle emprisonne, créant ainsi une sorte de fossilisation du vivant. À la fin des années 1980, Toni Grand revient aux formes géométriques (le cube, le triangle…) avec des inclusions de poissons dans la résine.

Une exposition captivante qui nous donne à voir toute la puissance de la créativité de l’artiste.


Thibault Loucheux-Legendre

Après avoir étudié l'histoire et le cinéma, Thibault Loucheux-Legendre a travaillé au sein de différentes rédactions avant de lancer Snobinart et de se spécialiser dans la critique d'art contemporain. Il est également l'auteur de plusieurs romans.

Également dans : Snobinart N°17
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Par Thibault Loucheux-Legendre Rédacteur en chef / Critique d'art
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Après avoir étudié l'histoire et le cinéma, Thibault Loucheux-Legendre a travaillé au sein de différentes rédactions avant de lancer Snobinart et de se spécialiser dans la critique d'art contemporain. Il est également l'auteur de plusieurs romans.
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