Son nom ne vous est pas inconnu… Pierre Joseph a fait partie très jeune d’un groupe d’artistes issus de l’école des Beaux-Arts de Grenoble (avec Dominique Gonzalez-Foerster, Philippe Parreno et Bernard Joisten). Ensemble, ils créent une exposition sous le nom de Ozone, une mise en commun de projets, d’esthétique autour d’un thème qu’ils avaient choisi en commun : l’écologie. Si aujourd’hui ce sujet est omniprésent dans la création artistique, il était totalement absent du milieu de l’art à l’époque. Suivent des « personnages à réactiver » dans les années 90, avec la mise en scène de figures inspirées de contes de fées, de jeux de rôles, du cinéma, de la publicité ou de la vie contemporaine. Ces personnages apparaissent lors des vernissages avant d’être remplacés par leur trace photographique pour l’exposition, attendant ainsi d’être réactivés. Ainsi, Pierre Joseph pénètre dans une forme d’art générant un dialogue entre l’artiste et le spectateur et s’inscrivant dans « l’esthétique relationnelle » défini par Nicolas Bourriaud.
Pierre Joseph travaille sur l’accumulation, des « photographies sans fin » comme il les appelle. L’artiste a démarré cette démarche il y a 7-8 ans en photographiant des sujets liés au paysage (champs de luzerne, de blé…) avant de venir vers des éléments comestibles (pommes, pommes de terre…) exposant notamment son Murs de mûres à l’occasion de l’exposition Futur, ancien, fugitif consacrée à la scène française au Palais de Tokyo fin 2019 / début 2020. Pour l’exposition Rosomanie à la galerie Chantiers BoîteNoire, l’artiste expose un tas de fumier. L’idée de ces « photographies sans fin » est de photographier sans regarder ce qu’il saisit à l’image. Chaque photo est différente, regroupant ainsi des images assemblées pour créer un ensemble de photographies sans fin de fumier. Ainsi, l’artiste s’extrait de la question de point de vue pour concevoir un ensemble d’images. Christian Laune nous explique : « Au-delà de l’aspect conceptuel, on peut y voir un aspect presque impressionniste. J’aime bien faire le lien avec les Meules de Monet. On y voit un jeu de lumière sur le même objet… Et là, si on se balade on se rend compte qu’il y a aussi un jeu de matière, d’ombre, de lumière… » Si les photographies ne se suivent pas, on peut parfois trouver une continuité, mais aussi des ruptures, voire des découvertes.
Comme nous dit le galeriste : « du fumier à la rose, il n’y a qu’un pas. » C’est pourquoi la deuxième salle nous propose d’autres photographies, de fleurs cette fois-ci. Le point de départ de cette série de roses remarquables vient d’une réflexion de l’artiste sur son nom et son prénom. Souffrant de son prénonyme peu original, Pierre Joseph c’est ainsi intéressé à un homonyme artiste : Pierre Joseph Redouté. Surnommé « le Raphael des fleurs », le peintre a voué son âme aux fleurs il y a plus de deux siècles, dessinant ces végétaux avec perfection déconcertante. En jouant sur l’identité, Pierre Joseph s’est identifié au travail de Redouté et s’est intéressé à la personnalité des roses en utilisant le Focus Staking. Cette technique permet d’obtenir des images en gros plan d’une profondeur et d’un niveau de détail supérieurs à ceux des gros plans classiques. comme pour les photographies sans fin de fumier, nous découvrons des événements qui se déroulent dans les détails. Le moindre espace de l’image dévoile une histoire, une surprise, qui donne vie à l’oeuvre.
