La Ville d’Uzès présente son exposition d’été 2024

Le maire d’Uzès, Jean-Luc Chapon, et le commissaire de l’exposition, Marc Stammegna, ont dévoilé à Snobinart les premiers contours de cette prochaine exposition d’envergure. Uzès, premier duché de France, également ville d’art et d’histoire, sera l’écrin de prestige idéal pour une exposition unique en France, et même tout à fait exceptionnelle au niveau mondial. Après avoir offert un focus sur les œuvres de grands maîtres natifs du sud avec César & Chabaud, deux artistes en liberté, les salles de l’ancien évêché accueilleront les créations de la famille Bugatti ! Il s’agit là d’un événement sans précédent tant jamais personne n’était parvenu à réunir en une seule exposition les productions de Carlo, Ettore et Rembrandt. Mobiliers, bronzes et voitures seront à découvrir du printemps à l’automne 2024. Les toiles d’Adolphe Monticelli viendront compléter cette riche programmation à l’occasion du bicentenaire de la naissance du peintre marseillais.

Thibault Loucheux-Legendre  - Rédacteur en chef / Critique d'art
12 mn de lecture
"Eléphant d'Asie "Il y arrivera"" (1907) Rembrandt Bugatti - Photo : Peter Avondo / Snobinart

Depuis 2022, la Ville d’Uzès propose à ses habitants et touristes l’opportunité de découvrir une exposition d’exception durant tout l’été, créant ainsi l’un des événements culturels les plus importants de l’année dans le sud de la France. Pour la première, les organisateurs avaient la volonté de marquer les esprits en présentant pas moins de trente- deux œuvres (peintures et sculptures) de maîtres. Les noms de ces peintres donnent le vertige… Pablo Picasso, César, Pierre Auguste Renoir , Pierre Bonnard, André Derain, Raoul Dufy , Adolphe Monticelli, Auguste Chabaud, Jacques Majorelle, Albert Marquet, René Seyssaud, Jean-Baptiste Olive, Charles Camoin, Louis Valtat, Louis-Mathieu Verdilhan et Marcel Leprin. En cette année 2023, Marc Stammegna proposait un focus sur deux grands artistes nés dans le sud de la France : le peintre fauve Auguste Chabaud et le sculpteur marseillais César, bien connu pour ses compressions et son apport au mouvement des Nouveaux Réalistes.

Il est compliqué de concrétiser un projet aussi important qu’une première exposition, mais il est encore plus difficile d’organiser les suivantes en maintenant un niveau d’exigence qui rend l’événement pérenne. Mais c’est de la passion et du travail commun entre le maire d’Uzès, ses équipes et le commissaire d’exposition que naît la réussite. Pour cela, la Ville d’Uzès poursuit sa collaboration avec le passionné Marc Stammegna. Petit-fils et fils de restaurateurs de tableaux, il a pratiqué la restauration de tableaux durant onze années après avoir fait les Beaux-Arts et étudié l’Histoire de l’art, mais il nous avouait dans notre dernier numéro que son « manque de patience » lui a empêché de perpétuer cette tradition familiale. Cela ne l’a pas coupé du milieu artistique, bien au contraire. Véritable passionné de l’Histoire de l’art, il s’est lancé dans le commerce, devenant l’un des plus talentueux marchands d’art de sa génération et un expert des tableaux du XIXe siècle. Toutes ces qualités font de lui le commissaire d’exposition parfait, d’autant que la Mairie d’Uzès a fait le choix judicieux de lui accorder une totale liberté dans la conception des expositions, ce qui est à souligner.

Pour cette troisième exposition, le maire d’Uzès et Marc Stammegna ont décidé d’ouvrir les portes de l’ancien évêché à un public beaucoup plus large que celui des amateurs d’art en mettant en lumière la famille Bugatti. Le père, Carlo, était décorateur, architecte, créateur et fabricant de mobilier remarquable et recherché. Le premier fils, Ettore, est connu pour avoir lancé la marque d’industrie automobile éponyme. Enfin le deuxième fils,Rembrandt, était artiste sculpteur, connu pour ses bronzes d’exception, qui sont prisés par des collectionneurs avertis dans le monde entier.

« Puma Mâle » (1911), Rembrandt Bugatti – Photo : Peter Avondo / Snobinart

Alain Delon, grand connaisseur de ce sculpteur, vient ainsi de vendre dans une vente aux enchères, qui a été une des plus importantes de l’année 2023, une partie de sa collection de bronzes Bugatti.


Uzès parvient ainsi pour la première fois en France, à réunir ces trois grands créateurs qui sont chacun parvenus à sublimer leurs disciplines respectives.

Cet exploit, car il faut le qualifier ainsi, ne pourrait être réalisé sans la conjonction de trois facteurs fondamentaux : en premier lieu la volonté inébranlable de Jean-Luc Chapon, maire d’Uzès, qui a pour unique objectif de toujours renforcer la notoriété de sa ville ; ensuite les compétences de Marc Stammegna qui s’est associé pour cette 3e édition à François Melcion, ancien propriétaire de Rétromobile ; enfin et surtout aux collectionneurs et passionnés des Bugatti qui ont accepté de prêter les voitures, meubles ou bronzes, tous objets d’exception, qui leur appartiennent.

L’autre artiste à l’honneur pour cette troisième édition d’Uzès exposition n’est autre qu’Adolphe Monticelli, dont les œuvres sont accrochées sur les murs de plus de 285 musées dans le monde. Le peintre marseillais étant né en 1824, ce sera l’occasion de lui rendre un bel hommage à l’occasion du bicentenaire de sa naissance.

BUGATTI, UNE HISTOIRE DE FAMILLE

Il existe des phénomènes que l’on a du mal à expliquer… Comment justifier le fait que trois membres d’une même famille parviennent à devenir de véritables références dans leurs domaines respectifs ? C’est pourtant ce qui est arrivé à la famille Bugatti. Un père et deux fils ont chacun, dans des branches différentes, été des exemples de réussite en parvenant à réaliser des créations novatrices et abouties.

Tout commence avec le père, Carlo Bugatti, né en 1856. Architecte, ébéniste, décorateur, il est surtout reconnu pour ses créations de meubles d’inspiration orientaliste / Art déco. Son style unique et novateur se distingue avec l’utilisation de bois exotiques, de cuivre, de nacre… Denombreuses personnalités du milieu culturel se rendaient chez lui pour découvrir son travail.

Carlo Bugatti a eu deux fils. Son aîné, né en 1881, est le plus connu des deux, en particulier pour avoir lancé la marque de voiture Bugatti. Pourtant, il n’était pas forcément prédestiné à se lancer dans l’industrie automobile. Son père étant une référence dans son domaine, de nombreux artistes venaient découvrir ses meubles. Ettore était excellent en dessin et aurait pu se diriger vers une carrière artistique. Il garda cet attachement à l’art, pensant qu’un produit technique n’était parfait que lorsqu’il l’était également d’un point de vue esthétique. D’ailleurs, ses voitures ont longtemps été comparées à des œuvres d’art… C’est en Alsace qu’il s’installe en 1902, après avoir été repéré par des industriels. En 1909, il fonde à Molsheim une usine d’automobiles de sport et de course. La marque Bugatti devient alors rapidement synonyme de luxe, d’élégance, de raffinement, d’harmonie et de réussite. Ettore devient célèbre dans le monde entier, grâce notamment à de nombreux succès dans des courses automobiles. Parmi ses réussites, on peut citer la Bugatti Type 35 « Grand Prix » qui remporte de nombreuses victoires, ou encore la « Royale » Type 41. En plus d’êtreun industriel visionnaire, il était également un génie inventif touchant tous les domaines de la mécanique.

Torpedo Grand Sport Type 40 de 1927, Ettore Bugatti

Enfin, le fils cadet Rembrandt est né en 1884. C’est un sculpteur qui a marqué l’histoire du bronze. Il existe peu de créations de Rembrandt Bugatti car ce dernier est mort durant sa jeune trentaine… Pendant sa jeunesse, son parrain, le peintre italien Giovanni Segantini, l’initie au dessin et à la sculpture. Ensemble, ils allaient dans la montagne pour observer et il réalise à cette occasion ses premières terres représentant des vaches. Paul Troubetzkov, ami de son père Carlo et sculpteur renommé, l’encourage à poursuivre une carrière artistique. En 1903, il s’installe à Paris et signe un contrat d’exclusivité avec Adrien-Aurélien Hébrard à peine un an plus tard. Rembrandt se passionne pour le monde animal, observant les espèces à la Ménagerie du Jardin des Plantes et les reproduisant en bronze. Tout comme son frère, il devient rapidement reconnu par ses pairs. Soucieux de poursuivre son exploration autour de la sculpture animalière, il part en Belgique pour découvrir le zoo d’Anvers. Après avoir connu les horreurs de la Première Guerre mondiale et ses conséquences, il se suicide au début de l’année 1916 dans son atelier de Montparnasse.

Marc Stammegna nous dit que ce qui caractérise l’histoire de cette dynastie familiale est certainement la rareté de leurs créations : «L’œuvre de Rembrandt Bugatti est limitée car il s’est suicidé à 31 ans. Les voitures d’Ettore ont été produites sur une vingtaine d’années au début du XXe siècle et aujourd’hui les véhicules qui subsistent font partie des plus grandes collections de voitures anciennes au monde. Quant aux meubles, ils sont exceptionnels tant par leur modernité que par la beauté et le mélange des matières utilisées qui leur confèrent un caractère universel ».

ADOLPHE MONTICELLI FÊTE SES 200 ANS

Ce sont les tableaux d’Adolphe Monticelli qui viendront sublimer les murs de l’exposition à l’ancien évêché. Né en 1824, le peintre fêtera son bicentenaire en cette année 2024. Marc Stammegna étant l’expert de Monticelli, accrédité internationalement par les plus grandes maisons de vente, il était difficile de passer à côté de l’événement…

« Le vase bleu » Adolphe Monticelli – Photo : Peter Avondo / Snobinart

Peintre fascinant qui a inspiré de nombreux artistes, dont un certain Vincent Van Gogh, Monticelli a été un véritable précurseur. Né à Marseille en 1824, il est confié en nourrice à des paysans dans les Alpes avant de revenir à Marseille lorsque ses parents le reconnaissent onze ans plus tard. Passionné de dessin, il s’inscrit aux Beaux-Arts de Marseille sous la direction d’Émile Loubon. Il devient par la suite un artiste précurseur qui crée unpont entre le romantisme de Delacroix et l’impressionnisme de Van Gogh. Ce dernier voue d’ailleurs une passion sans faille pour les toiles de Monticelli, le voyant comme une source d’inspiration essentielle, comme l’atteste sa correspondance avec son frère Théo. Depuis, de nombreuses expositions ont réuni les toiles des deux peintres.

Si Monticelli ne connaît pas un succès fulgurant à l’époque, il est tout de même remarqué par Napoléon III comme nous l’explique Marc Stammegna : « Malgré tous les reproches faits à Napoléon III, c’était aussi un homme très cultivé qui a fait évoluer les arts dans différents domaines. Lorsqu’il est venu inaugurer le Palais du Pharo à Marseille en 1868 avec l’impératrice Eugénie, on lui a présenté Monticelli et il a été impressionné par son côté novateur. Il a fait acheter des tableaux par des musées. C’est à ce moment-là que les gens ont commencé à découvrir le maître Adolphe Monticelli, bien que l’approche de ce peintre précurseur ne soit pas toujours facile ». Excellent portraitiste et brillant paysagiste, Monticelli est un artiste novateur qui est parvenu à dégager dans ses toiles une forte singularité et qui influencera les peintres impressionnistes.

Thibault Loucheux-Legendre

Après avoir étudié l'histoire et le cinéma, Thibault Loucheux-Legendre a travaillé au sein de différentes rédactions avant de lancer Snobinart et de se spécialiser dans la critique d'art contemporain. Il est également l'auteur de plusieurs romans.

Également dans : Snobinart N°14
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Par Thibault Loucheux-Legendre Rédacteur en chef / Critique d'art
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