Claude Viallat, une forme pour existence

Il était temps que Nîmes rende hommage à l'un de ses plus grands artistes contemporains... C'est désormais chose faite ! Les œuvres de Claude Viallat, figure majeure de l'abstraction en France, investissent Carré d'art avec une monographie hallucinante intitulée "Et pourtant si".

Thibault Loucheux-Legendre  - Rédacteur en chef / Critique d'art Carré d'art
5 mn de lecture
Photo : Thibault Loucheux / Snobinart

Le jeudi 26 octobre 2023 restera une date importante dans l’histoire de l’art contemporain à Nîmes. C’est ce jour-là que la ville a rendu hommage à l’un de ses plus grands artistes : Claude Viallat. L’exposition Et pourtant si offre aux visiteurs une monographie unique dans un feu d’artifice de couleurs : « Pour la première fois, la ville natale de Claude Viallat, où il vit et travaille depuis plus de 40 ans, présente une large sélection de ses œuvres récentes, qui investit tout l’espace de Carré d’art, du hall aux deux niveaux d’expositions. Allant puiser dans le creuset tout proche de l’atelier nîmois, cette exposition donnera à voir toute la générosité d’une œuvre « nombreuse et spiralée » comme l’artiste la décrit lui-même, dans la diversité de ses matières, de ses dimensions et de ses imaginaires. » Rarement Carré d’art avait connu une telle foule pour le vernissage d’une exposition, prouvant à la fois l’attachement des habitants pour le plasticien mais également que Nîmes est une ville dont l’héritage artistique est proportionnel à ses ambitions. Mais Claude Viallat n’est pas qu’un artiste pour les Nîmois, il incarne également une des plus grandes fiertés de la cité. Chacun s’attarde devant les œuvres, savourant les couleurs et cette forme qui font que les créations de Viallat sont reconnaissables entre mille et vivent avec éclat.

Durant ma jeunesse nîmoise, cette forme m’est devenue familière de manière totalement involontaire. Ne portant qu’un intérêt limité à l’art contemporain pendant mes vingt premières années, je la voyais dans différents espaces de la cité des Antonins sans pour autant m’interroger sur sa signification ou sur son caractère répétitif, ni sur sa qualité d’œuvre d’art. C’était une forme que l’on croisait, qui était et qui vivait. Vous la connaissez certainement… certains l’appellent « haricot »… d’autres « osselets »… Cette forme devenue obsessionnelle pour son créateur et fascinante pour ses admirateurs… S’il est certain qu’elle a marqué l’histoire de l’art contemporain, elle a également imprégné la culture dans un sens large.

Œuvre de Claude Viallat – Photo : Thibault Loucheux / Snobinart

Claude Viallat est né à Nîmes en 1936. Cette ville ne le quittera jamais totalement. En septembre 1970, le Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris accueille une exposition dont les artistes sont regroupés sous le nom de Supports/Surfaces. Ce nom est choisi par les plasticiens André-Pierre Arnal, Vincent Bioulès, Louis Cane, Marc Devade, Daniel Dezeuze, Noël Dolla, Toni Grand, Bernard Pagès, Jean-Pierre Pincemin, Patrick Saytour, André Valensi et Claude Viallat. Ces artistes engagent une rupture radicale avec l’art traditionnel comme nous l’expliquait Carré d’art à l’occasion de son exposition autour du mouvement en 2018 : « Cette histoire commence avec la mise en crise, voir la mise en pièce littérale du tableau de chevalet, opérée par des artistes qui, peu après leur sortie des Beaux-Arts, s’affranchissent de l’héritage de l’Ecole de Paris et s’intéressent aux abstractions américaines alors peu connues en France (…) Cette « déconstruction » du tableau s’opère contre un savoir appris par les artistes (…) Tous ces jeunes artistes partagent une volonté de s’affranchir des conventions et de l’espace clos du tableau et de situer ainsi leur travail dans un « degré zéro de la peinture ». » Ces œuvres se définissent par une grande neutralité, résultat d’une réflexion autour de la mise à nu des éléments picturaux.

Si beaucoup d’artistes actuels utilisent la récupération comme médium, Claude Viallat la pratique depuis des décennies, se servant de rideaux, draps, tentes, bâches et autres tissus… Ce sont ces matériaux que Claude Viallat utilise pour déposer son empreinte. Il s’est s’approprié une forme simple, quelconque, banale, qui évoque la répétition et la quotidienneté sans vraiment convoquer le moindre sens ou symbole. Ce motif de rectangle irrégulier a marqué l’histoire de l’art, ou devrais-je plutôt dire qu’il s’est imposé avec insistance. Ce caractère répétitif se rapproche d’une multitude de coups de marteaux pour enfoncer le clou. Une forme qui tient son existence de sa répétition quasi-infinie, lui donnant une valeur universelle et énigmatique.


Œuvre de Claude Viallat – Photo : Thibault Loucheux / Snobinart

Alors, « haricots » ? « Osselets » ? « Empreinte » ? Peut-être plus les globules du flux artistique de Claude Viallat. Ils défilent, dansent, reviennent sans cesse… comme le symbole de la grande vitalité d’une œuvre que l’on peut rapprocher d’un corps vivant et parcourant son existence.

Thibault Loucheux-Legendre

Après avoir étudié l'histoire et le cinéma, Thibault Loucheux-Legendre a travaillé au sein de différentes rédactions avant de lancer Snobinart et de se spécialiser dans la critique d'art contemporain. Il est également l'auteur de plusieurs romans.

Également dans : Snobinart N°16
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Par Thibault Loucheux-Legendre Rédacteur en chef / Critique d'art
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Après avoir étudié l'histoire et le cinéma, Thibault Loucheux-Legendre a travaillé au sein de différentes rédactions avant de lancer Snobinart et de se spécialiser dans la critique d'art contemporain. Il est également l'auteur de plusieurs romans.
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