Le courant de la musique électronique est peut-être celui dont l’historique est le plus flou et dont les mouvances sont les plus abstraites tant elles sont nombreuses. Pourtant, l’électro dans ce qu’elle a de plus global est aussi l’un des genres musicaux qui regroupe le plus d’auditeurs à travers le monde. Rythmique souvent élevée, mélodies généralement simples et entêtantes, basses dynamiques et énergisantes, l’électro se ressent bien plus qu’elle ne s’écoute. Elle rassemble aussi beaucoup, et pas toujours dans une transe que l’on imagine aisément planante et déconnectée de la réalité. Si cette musique a pris tant d’ampleur ces dernières décennies, c’est aussi parce qu’elle est portée par des talents indiscutables, qui ont su peu à peu transformer la profession, désormais devenue un véritable vivier de la scène musicale internationale.
Detroit, berceau de la techno
S’il est difficile de donner une date précise d’émergence de la musique électronique telle qu’on la connaît aujourd’hui, on peut néanmoins estimer son origine au moment du déclin du disco à la fin des années 70. À l’époque, déjà, les tubes que nous sommes encore capables de reprendre par cœur fonctionnaient sur un principe de répétitions rythmiques et musicales à base d’instruments de synthèse. La démocratisation de la techno se constate nettement aux États-Unis, notamment dans la ville de Detroit, bassin industriel essentiellement automobile en pleine crise au début des années 80.
Comme souvent dans l’histoire de la musique, c’est pour échapper à une dure réalité qu’apparaît donc l’électro dans les rues, les clubs et les lieux improvisés de Detroit. Comble de l’ironie, alors que les usines sont presque réduites au silence, les sons mécaniques, machiniques et répétitifs de ce nouveau courant musical viennent compenser les bruits oubliés de l’industrie. Déjà, l’électro rassemble les corps et disperse les mauvaises pensées. Mais si les premières notes de techno ont bien fait leur apparition à Detroit, ce n’est pas sur le continent américain qu’elles ont trouvé leur plus bel écho…
Berlin, patrimoine européen de l’électro
S’il fallait une preuve supplémentaire que la musique est une référence sociale essentielle, il suffit de tourner les yeux vers la capitale allemande au moment de la réunification. La chute du mur en 1989 a réveillé des convergences culturelles incomparables, qui forment aujourd’hui encore l’esprit berlinois, souvent copié jamais égalé. Après presque trente ans de séparation subie, le peuple allemand se retrouve physiquement mais il a perdu ses repères. La jeunesse, principalement, s’approprie le courant électro américain, qui plaît sans distinction des origines ou du lieu de vie. En dépit des inégalités et des différences, qui persistent dans la vraie vie des décennies plus tard, les amateurs de musique ont pourtant conçu un cocon qui ne souffre pas des préjugés et où chacun se réserve le droit de rêver ou de ne plus penser.
L’importance de ce courant musical et sa place incontestable sur la scène internationale pourraient même aller plus loin. L’an dernier, le collectif Rave the Planet a officiellement demandé au gouvernement de déposer une demande auprès de l’UNESCO pour que la techno berlinoise soit inscrite au patrimoine culturel immatériel mondial. Mais quelle que soit l’issue de ce projet, les compositeurs allemands n’ont pas fini de faire parler d’eux, à l’image de l’un des plus connus, Paul Kalkbrenner, qui viendra clôturer en octobre la saison 2022 de Family Piknik.
Montpellier, bassin d’une nouvelle ère ?
La France a elle aussi joué un grand rôle dans l’histoire de la musique électronique. La French Touch, courant initié dans les années 90 avec des artistes comme Daft Punk, Justice ou Kavinsky (qui a inauguré cet été le premier festival Palmarosa à Montpellier), a déjà porté l’électro française bien au-delà de nos frontières. Mais depuis quelques années, de nombreux artistes rencontrent un franc succès et, régionalisme oblige, notre territoire n’y est pas pour rien ! Parmi les noms à retenir pour votre future playlist, ceux des Montpelliérains Joris Delacroix et Teho, qui ont dernièrement sorti un titre en commun intitulé Fury. Et si vous ne connaissez pas encore son travail, nous vous invitons vivement à découvrir les compositions du sudiste NTO, qui a notamment fait ses armes dans le domaine en fréquentant des lieux emblématiques de Montpellier comme La Villa Rouge, qui fait encore référence en la matière cinq ans après sa fermeture. Le sud de la France est depuis longtemps une terre d’électro à n’en pas douter. En témoignent les nombreux rendez-vous qui s’y développent d’ailleurs largement, y compris hors saison, et la place laissée sur scène aux compositeurs de la nouvelle génération, comme Thylacine, attendu à Paloma Nîmes fin octobre.
Quant à interpréter un tel succès qui semble vouloir durer dans le temps et même s’amplifier, nous manquons encore de recul. Ou bien il s’expliquera dans quelques années par une quelconque raison économique, sociale ou politique, ou bien il ne trouvera pas d’autre explication que celle d’une envie de simplement « raver »…