Dans « Pink ! », les quartiers parlent aux quartiers

La médiation culturelle est l’un des axes les plus complexes parmi les missions d’un théâtre municipal. Au Théâtre Jean Vilar, implanté en plein dans le quartier de La Paillade à Montpellier, la pièce Pink ! s’en fait l’écho, à travers les témoignages de résidents pour qui le théâtre ne fait pas partie du quotidien.

Peter Avondo  - Critique Spectacle vivant / Journaliste culture
3 mn de lecture
© Marielle Rossignol

Le plateau est nu à l’exception d’une grande fenêtre opaque qui lévite à quelques mètres. Cet élément, qui deviendra vite la métaphore d’une barrière infranchissable entre le théâtre et la vie de la cité, rappelle aussi les vitraux de la chapelle qu’abritaient ces murs auparavant. Une chapelle fréquentée par la communauté gitane qui, du jour au lendemain, a dû renoncer amèrement à ce lieu de culte transformé en lieu de culture.

Sur scène, une femme passe la serpillière. Son nom est Ornella Dussol, ça ne s’invente pas. Elle est elle-même gitane et travaille dans ce théâtre comme femme d’entretien, hôtesse d’accueil et médiatrice à la fois. Selon la metteuse en scène Azyadé Bascunana, c’est elle qui fait le lien entre le quartier et le lieu, puisqu’elle appartient en quelque sorte aux deux mondes en même temps. Alors on lui laisse l’opportunité de raconter sa vie, ses rêves, ses craintes. Son témoignage et celui d’autres habitants de la cité viennent s’entremêler ici dans une forme qui ne tient ni vraiment du théâtre ni vraiment du documentaire.

« Ils voient pas à quoi ça sert un théâtre. C’est pas leur monde. »

Chacun joue son propre rôle dans Pink !, qui se transforme presque en rapport de situation politique. Le rendu est parfois maladroit ou peu convaincant, mais le fond, lui, est d’un grand intérêt. En confrontant les points de vue (des artistes et des habitants), la pièce interroge mine de rien la pertinence et les limites d’une culture trop politisée qui entend souvent imposer sa propre vision des choses sans s’inquiéter de ses effets sur toute la vie d’un quartier.

On notera l’intelligence de la démarche de la compagnie La Chouette Blanche, qui consiste à adapter le théâtre à ceux à qui il est destiné, plutôt que l’inverse. Reste à savoir avec quelle force et quelle longévité ce projet laissera des traces auprès de spectateurs d’un soir. Toujours est-il que Pink ! renoue avec une certaine idée du spectacle vivant : une ouverture au monde qui cherche à voir le théâtre comme un carrefour des cultures, grâce à une écriture ancrée dans le réel et le sincère, loin des fictions fantasmées autour des quartiers populaires.


À (RE)VOIR
– le 22/11 au Théâtre Le Périscope à Nîmes
– le 07/02/23 au Théâtre Municipal de Pézenas

CONCEPTION ET MISE EN SCENE
AZYADE BASCUNANA
AVEC
AZYADE BASCUNANA, ORNELLA DUSSOL, HUGO FENISER ET LES VOIX D’ELISA DUSSOL ET MARIELLE ROSSIGNOL
REGARD EXTERIEUR ET COLLABORATION ARTISTIQUE
FELICIE ARTAUD
COLLABORATION ARTISTIQUE
AMINE ADJINA
CREATION LUMIERE ET REGIE GENERALE
OLIVIER MODOL
CREATION SONORE
DAMIEN FADAT
ASSISTANAT
MAYLIS PUECH
COLLABORATION AUX COSTUMES
SONIA ALLAUME
CONSTRUCTION VITRAIL
CHRISTOPHE CORSINI, ATELIER DECORS DU THEATRE DES 13 VENTS
PHOTOGRAPHE ASSOCIEE AU PROJET
MARIELLE ROSSIGNOL
COLLABORATION A LA RECHERCHE
SOPHIE LEQUENNE
PRODUCTION
LEILA COSSE

Peter Avondo

Issu du théâtre et du spectacle vivant, Peter Avondo collabore à la création du magazine Snobinart et se spécialise dans la critique de spectacle vivant. Il intègre en mars 2023 le Syndicat Professionnel de la Critique Théâtre Musique Danse.

Partager cet article
Par Peter Avondo Critique Spectacle vivant / Journaliste culture
Suivre :
Issu du théâtre et du spectacle vivant, Peter Avondo collabore à la création du magazine Snobinart et se spécialise dans la critique de spectacle vivant. Il intègre en mars 2023 le Syndicat Professionnel de la Critique Théâtre Musique Danse.
Laisser un commentaire