AVIGNON 2022 : « Artemisia Gentileschi » au Théâtre du Train Bleu

Coup de cœur pour le spectacle Artemisia Gentileschi, qui met en scène le procès pour viol du peintre Agostino Tassi sur son élève, en 1612. À découvrir tous les jours à 20h20 (relâche le jeudi).

Peter Avondo  - Critique Spectacle vivant / Journaliste culture
3 mn de lecture
© Caroline Ablain

Artemisia Gentileschi fut violée par son mentor Agostino Tassi, peintre du Pape, au début du XVIIe siècle. C’est un fait, le tribunal qui a jugé l’affaire à l’époque l’a déclaré coupable. Un récit vieux de plusieurs siècles, donc, mais qui résonne avec un écho puissant dans notre époque. C’est la transcription de ce procès, en partie arrivée jusqu’à nos jours, qui est ici adaptée et mise en scène par Guillaume Doucet, avec autant d’ingéniosité que d’intelligence.

Dans ce tribunal sur planches, ce n’est pas un simple procès qui est donné. Le contexte passe d’ailleurs même au second plan, tant l’humain prend le dessus sur la violence même du propos. C’est une leçon de peinture aussi, un cours accéléré d’histoire de l’art qui, sans aucune didactique, aucune autre volonté que de dire ce qui est, construit des ponts étonnants et réussis entre les arts.

Pas de réprimande moralisatrice, pas de militantisme outrancier non plus, quand l’excellente Chloé Vivarès, dans le rôle de la jeune peintre, cherche à faire passer la vérité avant toute chose, avant elle-même et jusqu’au sacrifice, malgré l’épisode traumatisant qu’elle a pu vivre avec son mentor. La comédienne nous emporte dans un épisode d’une rare puissance en hurlant, murmurant, suppliant des « C’est vrai ! » pendant plusieurs minutes. Un passage particulièrement marquant, tant par sa forme que par son écho, quand sa parole est remise en doute face à la notoriété de son agresseur. L’accusatrice devenue coupable présumée nous hérisse le poil dans une interminable répétition qui entre en résonance avec ce viol dont elle ne voyait pas la fin.

Cette pièce est aussi une déclaration d’amour à la peinture, cet art qui fait vibrer Artemisia et qui, par des ressorts textuels et scénographiques recherchés, gagnent ici une visibilité aussi originale que convaincante, notamment par les tableaux de la jeune peintre que l’on raconte avant de reproduire sur scène. De belles idées qui nous amènent à nous intéresser à son œuvre, et qui témoignent de la créativité de la mise en scène.


On s’extirpe doucement de la salle, pris au cœur, le corps presque tremblant, face à des actes aussi violents rapportés avec autant de simplicité, de subtilité, de normalité. Artemisia Gentileschi n’est pas une pièce féministe, c’est de l’ordre de l’humain, portée avec beaucoup de talent par toute l’équipe du spectacle. À voir absolument !

TEXTE D’APRÈS
ELLICE STEVENS, BILLY BARRETT
MISE EN SCÈNE
GUILLAUME DOUCET
AVEC
PHILIPPE BODET, GAËLLE HÉRAUT, BÉRANGÈRE NOTTA, CHLOÉ VIVARÈS
CRÉATION LUMIÈRE
NOLWENN DELCAMP-RISSE
MUSIQUE
MAXIME POUBANNE

Peter Avondo

Issu du théâtre et du spectacle vivant, Peter Avondo collabore à la création du magazine Snobinart et se spécialise dans la critique de spectacle vivant. Il intègre en mars 2023 le Syndicat Professionnel de la Critique Théâtre Musique Danse.

Partager cet article
Par Peter Avondo Critique Spectacle vivant / Journaliste culture
Suivre :
Issu du théâtre et du spectacle vivant, Peter Avondo collabore à la création du magazine Snobinart et se spécialise dans la critique de spectacle vivant. Il intègre en mars 2023 le Syndicat Professionnel de la Critique Théâtre Musique Danse.
Laisser un commentaire