Montpellier Danse, un festival de création

À quelques jours de sa clôture, le Festival Montpellier Danse continue de marquer son empreinte dans l’histoire contemporaine de la chorégraphie. Retour sur quelques propositions qui ont rythmé cette deuxième semaine sous le signe de la création.

Peter Avondo
Peter Avondo  - Critique Spectacle vivant / Journaliste culture
7 mn de lecture

Pour sa deuxième semaine, le 45e Festival Montpellier Danse se poursuit au rythme des créations qu’il accompagne. Dans des formes pour le moins variées, les artistes invités investissent ainsi les lieux de représentation pour offrir un large panel de ce que peut être l’art chorégraphique aujourd’hui. Car les gestes artistiques ont beau avoir leur propre perspective, difficile de ne pas les regarder en miroir et deviner tous les échos qui les relient ou les opposent les uns aux autres. Ainsi la programmation du grand rendez-vous montpelliérain continue-t-il de dresser le portrait d’une danse résolument ancrée dans sa contemporanéité et sa diversité. La preuve en est des pièces nées ces derniers-jours : DU FOLIE de David Wampach, A new Sketches of Spain d’Israel Galván et Michael Leonhart, Les Oiseaux de Lenio Kaklea et La Vie nouvelle de Sylvain Huc et Mathilde Olivares.

DU FOLIE, les fous ne sont pas ceux qu’on croit

Pour sa nouvelle pièce en création au Hangar Théâtre, David Wampach propose une écriture qui s’inspire de la relation que nous entretenons avec la notion de folie. À partir de ses recherches, le chorégraphe imagine un espace d’expression libre qui passe notamment par des corps aux gestes saccadés et aux visages tendus, presque hallucinés. Trois hommes évoluent ainsi dans un décor lynchien, retournant les éléments sans logique apparente et revêtant tour à tour des costumes trouvés sur le plateau. Loin de toute narration linéaire, DU FOLIE reproduit essentiellement des figures extérieures d’une démence intérieure, les poussant alternativement jusqu’au stéréotype et à l’abstrait. Avec pour image modèle un monde dirigé par des fous non déclarés, David Wampach voit la folie affirmée comme une issue possible.

« DU FOLIE » de David Wampach © Laurent Philippe

A new Sketches of Spain, du flamenco dans le jazz

C’est probablement l’artiste le plus prolifique de cette fin de saison. Dans la période intense qu’il traverse, Israel Galván aura tout de même trouvé le temps de travailler aux côtés de Michael Leonhart pour écrire A new Sketches of Spain, créé au Théâtre de l’Agora un soir de canicule. Dans une forme qui tient davantage du concert dansé que du spectacle chorégraphique à proprement parler, le danseur espagnol et le trompettiste américain donnent pourtant lieu à une rencontre de haute volée. D’un côté, les notes cuivrées de la musique de Miles Davis s’envolent avec beaucoup d’expertise. De l’autre, les claquements des talons et des castagnettes viennent faire concurrence à la chaleur qui s’échappe des murs de pierre qui entourent le plateau.

« A new Sketches of Spain » d’Israel Galván et Michael Leonhart © Laurent Philippe

Si la rencontre entre les deux pointures tarde à se mettre en place, celle-ci éclate tout à fait lors de duos/duels qui, à plusieurs reprises, semblent arrêter le temps. Tantôt debout et grand, les bras ouverts au monde, tantôt sur une chaise ou tout à fait au sol, Israel Galván défie la musique de Davis autant qu’il s’amuse à l’enrichir. En face-à-face avec Michael Leonhart, un courant électrique semble se matérialiser dans leurs regards respectifs, ce qui n’empêche pas le Sévillan de faire preuve de beaucoup de malice, notamment en complicité avec Daniel Freedman, dont les percussions dialoguent joyeusement avec les pas et les sonorités du flamenco.

Les Oiseaux, murmurations chorégraphiques

Au Théâtre La Vignette, Lenio Kaklea donne vie à une forme qui brille par sa poésie, tant dans les corps qui sont au plateau que dans la scénographie qui les accueille. Et pour cause, avec pour toile de fond un ciel en dégradé aux couleurs évolutives signé Clio Boboti, Les Oiseaux invitent d’office à une forme de contemplation d’un monde qui n’existe pourtant déjà plus. Au plateau, sept interprètes apparaissent les uns après les autres, emplissant l’espace comme on compose un tableau en peinture. Dans des costumes savamment imaginés par Olivier Mulin, ils deviennent de majestueux volatiles venus danser ce qui pourrait être leur dernier ballet.

« Les Oiseaux » de Lenio Kaklea © Laurent Philippe

La chorégraphe grecque propose une écriture minutieuse qui déploie les mouvements de groupe sous forme de canon. Avec ce rythme qui rebondit dans le temps comme dans l’espace, elle crée à l’horizontal des images que l’on pourrait admirer en regardant le ciel. Au milieu de ces murmurations, Lenio Kaklea glisse par ailleurs quelques parenthèses plus douces encore, n’hésitant pas à suspendre le tempo pour apprécier quelques notes de poésie. Pourtant, une menace finit par venir assombrir le tableau, à l’image du ciel qui prend soudain des teintes verdâtres au-delà du naturel. Menacées par un drone, les espèces vivantes ne sont plus reines. Leurs plumes ploient sous le souffle de cet oiseau de plastique et de métal venu les filmer et mettre un terme brutal à leur chorégraphie.

La Vie nouvelle est faite de complicité

Pour cette création commune, Sylvain Huc et Mathilde Olivares n’ont besoin de rien d’autre qu’eux-mêmes. En témoigne la lumière de Jan Fedinger qui se développe avec quelques rares projecteurs, ou la musique faussement minimaliste de Fabrice Planquette qui accompagne le mouvement. À deux, les danseurs-chorégraphes proposent donc une écriture sensible qui prend pour appui la relation de confiance qui les lie l’un à l’autre après dix années de travail ensemble. D’observation en partage, ils occupent alors l’espace du studio Bagouet qui leur est confié en donnant forme à leur complicité. Celle-ci a beau être de l’ordre de l’intime, elle se dessine dans les élans communs et les gestes glissés, autant que dans ce qui différencie l’énergie des deux corps, comme le produit d’une rencontre.

« La Vie nouvelle » de Sylvain Huc et Mathilde Olivares © Laurent Philippe

45e Festival Montpellier Danse
Du 21 juin au 5 juillet 2025

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Par Peter Avondo Critique Spectacle vivant / Journaliste culture
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Issu du théâtre et du spectacle vivant, Peter Avondo collabore à la création du magazine Snobinart et se spécialise dans la critique de spectacle vivant. Il intègre en mars 2023 le Syndicat Professionnel de la Critique Théâtre Musique Danse. 06 22 65 94 17 / peter.avondo@snobinart.fr
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