Musique vibrant dans les enceintes, lumières qui dansent dans le public qui chantonne déjà quelques tubes de la culture pop et queer, costumes et accessoires disséminés ici et là sur le plateau… Matthieu Barbin n’y va pas par quatre chemins : théâtre public ou non, la salle qu’il occupera ce soir avec sa pièce Dynasties sera son espace et celui de son alter ego Sara Forever. Transformant pour un temps un CDN en une scène de cabaret, l’artiste révélé au grand public par l’émission Drag Race France a choisi de mêler son histoire à celle de son double, entre ce qui l’a construit comme être humain et ce qui le définit désormais côté public en tant qu’artiste.
Convoquant les unes après les autres les icônes américaines qui ont forgé sa personnalité – de Liza Minnelli à Miley Cyrus en passant par Dolly Parton, Michael Jackson ou Prince –, Sara Forever aborde le sacrosaint plateau de théâtre comme celui d’une émission de divertissement. Changeant de costume ou de perruque, passant des numéros spectaculaires aux interprétations plus intimes, Matthieu Barbin devient sa propre poupée qu’il habille et déshabille à l’envi pour tenter de raconter son histoire, sous les applaudissements enthousiastes d’un public déjà conquis.
Son récit, marqué par l’aura des stars qu’il admire autant que par la figure omniprésente de sa mère, Matthieu Barbin se retient pourtant de l’offrir pleinement. Laissant entrevoir quelques fils qu’il pourrait tirer sans mal pour aborder ce qui reste invisible sous les couches de maquillage et les effets, l’artiste semble néanmoins rester en surface de sa propre dramaturgie, de sa propre confession, sa propre série Dynastie. Car derrière les bons mots et les invectives qui forgent son caractère drag, Sara Forever est l’héritière d’une société qu’elle subit ou qu’elle dénonce autant qu’elle y participe ; des aspérités suggérées qui manquent à la complexité et à la profondeur de l’histoire qu’elle est venue raconter.
Au-delà des projecteurs et des strass dont il se pare, et indépendamment du propos qu’il peine à développer, Matthieu Barbin trouve malgré tout une esquisse de réponse à la question du renouvellement des publics. Lui-même au carrefour des deux univers qu’il représente – danseur interprète pour de multiples chorégraphes et désormais vedette grand public du petit écran –, il rassemble dans un même espace la ferveur des uns et le flegme des autres. Les liens possibles entre les deux ont beau être encore imperceptibles, reste à transformer l’essai pour que ces Dynasties ne s’en tiennent plus essentiellement au drag show. Pour l’heure, c’est encore la notoriété de Sara Forever qui prime sur l’écriture de Matthieu Barbin.
Dynasties
Créé au ThéâtredelaCité – Toulouse
Crédits
Mise en scène, performance et dramaturgie Matthieu Barbin / Sara Forever / Regard à l’écriture, tournage vidéos Florent Gouëlou / Regard extérieur Dalila Khatir / Lumières, régie générale François Boulet / Son Géraldine Belin / Costumes Aymerick Zana et Lion Ascendant Connasse / Éléments de broderie Vincent Gladine / Perruques Hitsublu / Traitement vidéos Aurélien Binault / Conseils artifices Marc Chevillon
Dates
- 5 au 9 novembre 2024 : ThéâtredelaCité – Toulouse
- 15 novembre 2024 : Festival Small arts – Ljubljana, Slovénie
- 30 janvier 2025 : MC2 – Grenoble
- 11 au 15 février 2025 : Maison des Métallos – Paris
- 3 au 4 avril 2025 : Théâtre Dijon Bourgogne