Olivier Dubois fait partie de ces artistes dont la vision s’affranchit de ce qui doit être fait, au profit de ce qui peut l’être. Fraîchement arrivé au Théâtre de Nîmes comme artiste associé, il a rapidement posé les jalons de ce que serait son action au sein de l’établissement, et plus largement pour la communauté nîmoise et voisine. Déjà reconnu et programmé dans les plus grands rendez-vous chorégraphiques en France et en Europe, c’est donc désormais la cité gardoise qui devient sa terre d’accueil. Une nouvelle étape dont le danseur se félicite et qui n’a pas fini de l’inspirer.
Pour lancer cette nouvelle collaboration artistique, Olivier Dubois reprend un spectacle qui a de quoi surprendre, moins par sa forme que par son processus de création. Dans Les Mémoires d’un seigneur, c’est une quarantaine de corps masculins qui sont mis en scène, dont un seul appartient à un danseur professionnel. Les autres, la grande majorité donc, sont de « simples » citoyens du monde, des interprètes amateurs qui se sont portés volontaires sans avoir jamais pratiqué la danse, encore moins dans un cadre professionnel.
À cela plusieurs raisons. D’abord, Olivier Dubois semble avoir pris goût à travailler avec ces personnes dont le regard, le geste et la présence n’ont pas encore été modelés, contraints ou faussés par une certaine vision de la danse. De cette matière brute, il se donne pour objectif d’en faire de véritables artistes d’un soir (parfois plus), dans une démarche au service du sens de la pièce. Car là aussi le naturel de ces danseurs amateurs apporte une dimension d’intérêt. Face à ces quarante hommes, un interprète professionnel : Rémi Richaud, endossant le rôle de seigneur face à son peuple. Le contraste, déjà préétabli de par la différence évidente de niveau en termes de performance artistique, va se trouver renforcé par la chorégraphie et l’histoire racontée par les corps qui s’affrontent et se confondent.
Les Mémoires d’un seigneur a connu plusieurs vies, et c’est là toute son essence. Créé pour la première fois en 2015, ce spectacle a voyagé à travers le monde, dans des versions uniques puisque la distribution est systématiquement revue avec des volontaires locaux. Après avoir répondu à un appel à candidatures et accepté les contraintes physiques et de temps qu’un tel projet implique, la troupe temporaire dispose d’une semaine pour apprendre à se connaître, s’entraîner et répéter jusqu’au soir de la représentation. Pour la version nîmoise, les quarante hommes, dont l’âge varie de 19 à 70 ans, sont donc à pied d’œuvre depuis lundi et rencontreront leur public ce samedi.
Le rôle d’artiste associé ne s’arrête pas là pour Olivier Dubois. Non content de faire ainsi venir au théâtre des personnes qui n’en auraient peut-être jamais passé les portes, le chorégraphe s’est aussi prêté au jeu inverse. Après une semaine passée à travailler avec les détenus de la Maison d’arrêt de Nîmes, il se montre particulièrement ému et fier d’avoir accompagné ses partenaires d’un temps dans la création, la cohésion, la confiance et la réflexion artistique. Un atelier qu’il a lui-même demandé et qui, assure-t-il, tient davantage de l’expérience profondément humaine que de la médiation culturelle d’apparat.
À croire que le territoire nîmois l’inspire et le motive, ce que la passion dans son regard et sa voix tendent à confirmer. Toujours associé pour la saison prochaine au Théâtre de Nîmes, Olivier Dubois prévoit d’ailleurs de proposer ce qu’il appelle « le retour du blockbuster ». Sa pièce Tragédie, créée au Festival d’Avignon en 2012 et désormais considérée comme son chef-d’œuvre, devrait être jouée fin 2023 dans la salle Bernadette Lafont. Mais le chorégraphe voit les choses en grand et se verrait bien investir, pour l’occasion, les arènes historiques. Affaire à suivre, donc, mais une chose est sûre : le passage d’Olivier Dubois à Nîmes se remarquera !