Le plateau est encombré de caisses de batterie, d’écrans enroulés fixés à leurs pieds gigantesques, de tiges de métal comme une forêt de lances perdues dans la bataille. Ici du foin, le reste d’un tronc d’arbre, là un semblant de colonne grecque surmontée d’un navire de guerre qui tournoie sans cesse. Quatre personnages s’avancent masqués et drapés d’une toge blanche. Sous leurs toges, des t-shirts floqués d’images touristiques de monuments grecs tels qu’on les voit aujourd’hui.
Les interprètes prennent place derrière leurs tambours qu’ils font vibrer sous leurs doigts au rythme d’une marche militaire, tandis qu’ils s’attellent à lire le récit de la guerre du Péloponnèse. Démonstrations visuelles à l’appui, ainsi commence le cours d’histoire imaginé par Maguy Marin sur un ton des plus solennels, comme une conférence qui s’affranchirait de toute théâtralité.
Mais très vite, les images de notre époque se mêlent aux illustrations d’archives, alors que le texte continue d’énumérer les faits historiques sans qu’on y voie une quelconque différence avec les relations géopolitiques de notre époque. Accords discrets, soutiens conditionnels, confrontations égotiques, implications commerciales, trahisons, désinformations… Le lien entre notre siècle et l’Antiquité est rarement assumé, pourtant le parallèle est l’évidence même, jusqu’au violent diaporama qui nous présente les puissants de notre ère sur des portraits ensanglantés.
À l’aide d’une myriade de projecteurs, les interprètes conférenciers nous assaillent de photos, de vidéos et de pancartes jusqu’à nous submerger. Une avalanche de chiffres se répand sur le plateau comme sur une chaîne d’information en continu. Les tiges métalliques, comme celles qui aujourd’hui s’extraient des bâtiments éventrés par les combats, pointent vers le ciel comme des flèches. On y aimante les éléments importants. Des termes y sont plus emblématiques et récurrents que d’autres : « argent », « terre », « mer »…
La forme est puissante, pas moins que le discours. Les écrans encore enroulés sont finalement déployés comme les voiles des navires. Le plateau tout entier se transforme en une immense zone de projection et expose le spectateur à cette imposante flotte qui semble avancer vers lui. Le théâtre est bien là, même Brecht a son mot à dire dans ce capharnaüm. Maguy Marin transforme un simple cours d’histoire en une expérience artistique poignante.
« Le fascisme n’est pas le contraire de la démocratie, mais son évolution par temps de crise. »
Brecht
Le son se fait de plus en plus fort et les images de plus en plus nombreuses. Tout s’accélère alors que, dans nos esprits, tout s’est déjà confondu. Le contexte historique n’est plus vraiment, ne restent que les faits qui pourraient être ceux de n’importe quel conflit à n’importe quel moment de l’Histoire. Le final est intense, terrible, il nous souffle et nous interdit de nier l’évidence.
Dans le contexte que nous connaissons en Europe et dans celui que nous connaissons moins au-delà de nos frontières, Y aller voir de plus près est une pièce profondément politique, éminemment nécessaire, et au titre particulièrement pertinent. Maguy Marin y concentre tout ce que la scène doit à la société : un regard, une mémoire, un combat.
CONCEPTION
MAGUY MARIN
EN ETROITE COLLABORATION ET AVEC
ANTOINE BESSON, KAIS CHOUIBI, DAPHNE KOUTASFTI, LOUISE MARIOTTE
ET AVEC L’EQUIPE ARTISTIQUE
POUR LE FILM
DAVID MAMBOUCH, ANCA BENE
POUR LES MAQUETTES
PAUL PEDEBIDAU
POUR L’ICONOGRAPHIE
BENJAMIN LEBRETON, LOUISE MARIOTTE
POUR LA CONCEPTION SONORE ET MUSICALE
DAVID MAMBOUCH
POUR LA DIRECTION TECHNIQUE ET LA LUMIERE
ALEXANDRE BENETEAUD ASSISTE DE KIMBERLEY BERNA-COTINET
POUR LE SON
VICTOR PONTONNIER
POUR LA SCENOGRAPHIE
BALYAM BALLABENI, BENJAMIN LEBRETON ASSISTES DE COME HUGUENY
POUR LES COSTUMES
NELLY GEYRES
POUR LA TECHNIQUE VOCALE
EMMANUEL ROBIN
REGIE PLATEAU
ALBIN CHAVIGNON