Il eut fallu que le temps soit clément pour que l’expérience soit menée à son terme, mais le ciel en a décidé autrement. Pourtant, le travail de Robert Cantarella autour du phénomène Molière, en cette année qui lui est si particulière, avait largement de quoi satisfaire les spectateurs. Pour célébrer les 400 ans de la naissance de Poquelin, le metteur en scène s’est penché sur une recherche inédite et complète sur l’amuseur de Louis XIV.
Car si l’on connaît évidemment le travail théâtral et l’héritage de Molière, on ne s’attarde pas souvent sur ce qui a construit ce personnage que l’on vénère aujourd’hui, et ce, au fil des siècles. Vaste entreprise que de se lancer dans une telle aventure, mais il faut reconnaître que les recherches techniques, documentaires et artistiques menées par Cantarella et son équipe en valent la peine.
Pas seulement auteur, comédien ou metteur en scène, Molière était aussi organisateur événementiel avant l’heure. Dans les jardins de Versailles, il concoctait en effet des célébrations pour le roi et sa cour. Quoi de plus logique alors, voyant les immenses et beaux espaces du Domaine d’O, que de vouloir lui rendre hommage à sa propre manière ?
C’est ainsi qu’est né Molière Park, une déambulation imaginée dans l’esprit de ces fêtes gigantesques et ponctuées de rendez-vous intimistes, à mi-chemin entre le spectacle, la surprise et la pédagogie. À travers les allées du domaine, de petits groupes sont guidés d’un point à un autre, à la découverte du parc et de ses habitants d’un soir.
Ici, des chansonniers reprennent quelques musiques que des spectateurs entendaient des siècles avant nous. Là, nous rencontrons Charlotte Delbo, future secrétaire de Louis Jouvet, qui nous raconte comment Molière est devenu un symbole de résistance en temps de guerre. En nous glissant dans l’interstice laissé entre deux haies, on découvre aussi comment l’évolution de la société a modulé la manière d’interpréter un personnage féminin… Un parcours qui se transforme peu à peu en une fresque globale de la façon dont Molière est arrivé jusqu’à nous.
Et puis, au détour de l’oliveraie, nous tombons sur une véritable pépite. Quelle mouche a piqué Robert Cantarella (et c’est bien heureux !) d’oser imaginer Dom Juan sans Dom Juan ? Avec une perspective extraordinaire d’oliviers s’étendant à perte de vue et soulignée par un simple projecteur, le metteur en scène propose une version étonnante et épatante. Face à nous, un seul personnage, celui de Sganarelle, dont les répliques ont été isolées du reste de la pièce. Qu’il pense à haute voix ou qu’il entre dans un délire psychotique, l’effet est superbe dans ce monologue forcé qui fait ressortir toute la noirceur et la profondeur de l’écriture.
Malheureusement, la météo capricieuse n’a pas permis que les représentations de ce Molière Park se tiennent correctement. Mais cela n’en diminue pas le travail mené pour en arriver à cette échéance, qui apporte un relief bienvenu et sans facilité à cette année Molière parfois redondante.