Une planche à repasser en guise de table de mixage, une ventouse géante comme train d’atterrissage, un toboggan qui sert de rampe d’accès à un vaisseau spatial, Bernard le buffet à voyager dans le temps et sa femme Patricia l’ascenseuse… Ce sont quelques-unes des trouvailles scénographiques de cette création qui élève Chamonix au rang d’eldorado.
Sur scène débarque tout un équipage spatial, dans des combinaisons qui semblent sorties d’un dessin animé des années 90. Vouant un culte presque sectaire à Cécilia, leur mère à tous, ces voyageurs de la galaxie découvrent une planète qui leur est inconnue : la Terre. Et pour cause, ces descendants de la race humaine (nous sommes en 6302) ont atterri par hasard sur le joyau de la Voie lactée, origine de leurs ancêtres. Voilà comment, en quelques mots, nous pouvons tenter de recontextualiser Chamonix.
On nous explique alors que l’humanité a été exterminée en 2023 par une espèce de ver géant amoureux du fromage et de la musique, les intra-terrestres, qui s’introduit en suppositoire avant de prendre le contrôle du cerveau. Ainsi les interprètes de cette fable psychédélique nous embarquent dans une dénonciation, rarement subtile, des conséquences de l’activité humaine sur notre environnement.
« Vous avez été supposités par des intra-terrestres. »
Pour porter ce projet d’une envergure qui n’a d’égale que sa folie, les 26000 couverts proposent une scénographie ingénieuse et rafraîchissante, qui met d’ailleurs à l’honneur tout le travail de régie en pleine lumière. On y sent toute l’expérience du théâtre de rue où la compagnie a fait ses armes, une transition qui n’a pourtant rien d’évident.
Le plus grand pari de ce spectacle tient au texte de Philippe Nicolle et Gabor Rassov. Durant les deux heures que dure Chamonix, les personnages s’expriment en effet dans une langue inspirée du français mais gavée de néologismes. Chose étonnante : on comprend tout… ou presque. Certes, les langues évoluent beaucoup avec le temps. Mais cette évolution-là semble tenir davantage de la dégradation du potentiel intelligent de l’humain. Parmi ces 26000 couverts, difficile de trouver le couteau le plus aiguisé !
« Ça sent bon la vie
Oui c’est bon la vie
Mais ça pique »
Entre danse, musique, théâtre de texte et d’objet, la compagnie signe en tout cas une opérette spatiale déjantée qui, en dépit d’un rythme et d’une énergie inégales, souffle un vent de fraîcheur sur ce début d’année. On ne va pas se mentir : ça fait quand même du bien !