C’est l’histoire de quelque chose qui ne se raconte pas, mais qui se lit pourtant avec beaucoup d’aisance. Pour leur nouvelle création commune, Camille Boitel et Sève Bernard composent avec l’imprévisible pour faire du lieu théâtre un espace du présent. Dans un dispositif spécifiquement dédié à l’erreur et à l’échec, le duo navigue entre humour clownesque et poésie tendre, là où tout semble voué à l’instabilité. Car autour d’eux évolue un microcosme d’interprètes, de régisseurs et de techniciens impliqués dans la construction des images au plateau autant que dans leur décomposition. À travers ce doux ballet de l’étourderie, c’est le spectacle vivant que l’on célèbre, dans tout ce qu’il a d’artisanal, donc de merveilleux.
En choisissant pour titre le vide entre guillemets, Camille Boitel et Sève Bernard laissent blanche la page à écrire autour de ce spectacle. Ce pourrait être un soupir, celui de l’affaissement, du laisser-aller, de l’à-quoi-bon, comme il pourrait s’agir d’une respiration, du droit de souffler, du refus d’être efficace. Une chose est sûre, tout dans ce travail minutieux joue le jeu d’une candeur sans cesse renouvelée, du côté des artistes autant que parmi les spectateurs. D’accident technique en illusion de pacotille, « » n’est pas un récit mais l’endroit d’un possible.
Pour cela, les outils du théâtre sont mobilisés dans leur intégralité, jusqu’à la structure même de son bâtiment, qui abrite en un espace commun la salle, le plateau, la régie, les coursives, les coulisses… Si tout semble laissé au hasard – ce qui est en soi le résultat d’un travail d’une grande précision –, rien n’est abandonné sur le chemin qui y mène. Des accessoires aux pendrillons en passant par les corps des interprètes eux-mêmes, tout est sujet à être modelé au profit de ce qui est en train d’advenir. Ici, même les projecteurs sont actionnés avec ingéniosité, comme des marionnettes à fils.
Sans se laisser noyer par l’impressionnant dispositif, Camille Boitel, Sève Bernard et leurs complices développent une écriture chorégraphique qui concourt, elle aussi, à créer l’esthétique de « ». Tantôt tendu dans un élan, tantôt avachi presque liquide, le corps – comme le décor – semble attiré par le sol dans une incessante ode à la chute. Le plus beau est sans doute que l’affaissement n’est jamais une fin en soi. C’est même dans le fait de rendre cette fragilité souhaitable que se révèle toute la poésie de cette pièce, qui assume joliment de solliciter la crédulité des spectateurs.
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Création 2025 Festival Montpellier Danse
Compagnie L’immédiat / Camille BOITEL : écriture, mise en scène, jeu et manipulations / Sève BERNARD : écriture, mise en scène, jeu et manipulations / Étienne CHARLES : regard complice / Clémentine JOLIVET, en alternance avec Pascal LE CORRE : jeu et manipulations / Étienne CHARLES, en alternance avec Michael BOUVIER : jeu, régie lumière et plateau / Benoît KLEIBER : jeu, portés et manipulations / Kenzo BERNARD : jeu, régie son et manipulations / Construction : Étienne CHARLES avec l’aide d’Adrien MAHEUX et Michael BOUVIER / Construction additionnelle : Paulo DUARTE / Confection costumes : Nathalie SAULNIER / Confection des pendrillons : Nathalie SAULNIER avec l’aide de Lara MANIPOUD, Clara STACCHETTI, Lucie MILVOY, Cécile QUILTU, Anaé BARTHELEMY / Conseil technique son : Gaëtan PARSEIHIAN / Régie générale : Stéphane GRAILLOT
Du 22 au 23 juin 2025 : Théâtre de l’Agora – Montpellier Danse