Quel plaisir, que sur scène, on entende des vers,
Et que par son esprit on retrouve Molière.
Sur un plateau chargé, la demeure d’Orgon
Fort bien représentée, ce jusqu’à l’horizon,
Donne à voir une pièce qui n’a pas vieilli,
Qui, même, disons-le, s’en est presque enrichie.
Beaunesne, par ses choix, met Tartuffe au présent.
Costumes et décors d’il y a soixante ans,
Personnages voulus comme stéréotypes,
Il prend sans aucun mal le spectateur en grippe.
Cet air de vaudeville en cinéma rétro
N’est rien qu’un avant-goût. Puis vient le premier mot.
Et l’on découvre alors qu’en plus d’aller chercher
Dans la pièce classique une actualité,
La mise en scène veut, pour chaque personnage,
Faire une autre lecture, un peu plus dans nos âges.
De tous temps Tartuffe, symbole d’imposture,
Ses grands discours zélés, sa prétendue stature,
Fut vu comme un dévot à l’esprit malicieux
Personnifiant ainsi la parole de Dieu.
Mais Beaunesne est de ceux qui y voient autre chose.
La religion, pour lui, n’est pas vraiment en cause.
Il prend même, au contraire, ce malin plaisir
À faire de Cléante, Dorine ou Elmire
De pieux hommes et femmes qui vont à l’église.
Là n’est pas la source de l’incroyable emprise
Que Tartuffe a posé sur Orgon et sa mère.
Tout l’intérêt réside bien dans cette affaire.
Par son charisme fou, par son sens du spectacle,
L’imposteur est habile, il ne fait pas miracle,
Il est simplement là car on en a besoin,
Pour échapper sans doute à notre quotidien.
La place était à prendre, Tartuffe était là,
L’occasion était belle et alors le voilà.
Il n’a rien à offrir et on lui offre tout,
On lui fait une grande place de gourou.
Le ton est bien donné, la résonnance est belle,
Dans une époque qui déifie les modèles,
Tartuffe est juste un homme en quête de profits
Qui sait tourner la chose à son propre parti.
S’il en va de la sorte, c’est qu’on lui demande
Et qu’il serait bien sot de refuser l’offrande
Alors que de nos jours, c’est chacun pour sa peau.
Est-il vraiment le seul à porter le chapeau ?
Côté scénographie, on notera l’espace
Gigantesque et profond, chaque chose à sa place,
À se croire sur un grand plateau de tournage
Où évoluent sans cesse tous les personnages.
Le public est alors le réalisateur
Des scènes qui se jouent. Il devient presque acteur,
Il est tantôt voyeur ou bien témoin requis
De ce qui, après tout, n’est pas tant comédie.
Nous avons fait l’erreur de penser que Molière
N’était qu’homme de rire et qu’il en fut expert,
Mais ce Tartuffe-là, bien que divertissant,
A des aspects tragiques très intéressants.
C’est sans doute l’esprit que voulait là Beaunesne,
Que de réfléchir à notre nature humaine,
Exprimant par la voix et les mots du passé
Un constat sur ses pairs qui n’est pas dépassé.
TEXTE
MOLIERE
MISE EN SCENE
YVES BEAUNESNE
AVEC
NICOLAS AVINEE, NOEMIE GANTIER, JEAN-MICHEL BALTHAZAR, VINCENT MINNE, JOHANNA BONNET, LEONARD BERTHET-RIVIERE, VICTORIA LEWUILLON, BENJAMIN GAZZERI-GUILLET, MARIA-LEENA JUNKER, MAXIMIN MARCHAND, HUGHES MARECHAL
DRAMATURGIE
MARION BERNEDE
SCENOGRAPHIE
DAMIEN CAILLE-PERRET
LUMIERES
CESAR GODEFROY
MUSIQUE
CAMILLE ROCAILLEUX
COSTUMES
JEAN-DANIEL VUILLERMOZ
CHOREGRAPHIE COMBATS
EMILIE GUILLAUME
MAQUILLAGE ET COIFFURE
MARIE MESSIEN