ZAT 2019 – rencontre avec l’artiste Armelle Caron

Thibault Loucheux-Legendre  - Rédacteur en chef / Critique d'art
7 mn de lecture


Du 8 juin au 28 juillet, Montpellier offre une exposition à ciel ouvert, « 100 artistes dans la ville – ZAT 2019. » Nous avons rencontré Armelle Caron qui présente son travail sur le parvis de l’église Saint Roch.

Pouvez-vous vous présenter ?

Je suis artiste plasticienne et vit à Sète depuis plusieurs années. J’ai obtenu mon DNSEP en 2004 après des études en école d’art à Avignon, en Angleterre et à Nantes. Je travaille principalement le dessin à partir de la cartographie et de l’écriture.

Comment définiriez-vous votre travail ?


Au départ, il y a un texte de Jorge Luis Borges qui m’a beaucoup inspiré:

En cet empire, l´Art de la Cartographie fut poussé à une telle Perfection que la Carte d´une seule Province occupait toute une ville et la Carte de l´Empire toute une Province. Avec le temps, ces Cartes Démesurées cessèrent de donner satisfaction et les Collèges de Cartographes levèrent une Carte de l´Empire, qui avait le Format de l´Empire et qui coïncidait avec lui, point par point. Moins passionnées pour l´Etude de la Cartographie, les Générations Suivantes réfléchirent que cette Carte Dilatée était inutile et, non sans impiété, elle l´abandonnèrent à l´Inclémence du Soleil et des Hivers. Dans les Déserts de l´Ouest, subsistent des Ruines très abîmées de la Carte. Des Animaux et des Mendiants les habitent. Dans tout le Pays, il n´y a plus d´autre trace des Disciplines Géographiques. (Suarez Miranda, Viajes de Varones Prudentes, Livre IV, Chapitre XIV, Lérida, 1658.)

Borges nous propose l’idée de la seule carte possible, celle de l’échelle un, comme si toutes les autres représentations seraient finalement obsolète. Sur la Place St Roch, je reprends simplement simplement l’idée de marcher sur le monde, sur une topographie avant tout. La ville recouvre le sol d’une peau et le tracé des courbes de niveau nous ramène, je l’espère, à la forme du monde. Par ailleurs j’utilise la cartographie comme un support plastique, j’enlève toutes les informations afin de retrouver simplement un dessin. J’utilise ce process avec les courbes de niveau mais également dans mon travail sur les villes rangées. Actuellement je travaille sur le plan de Bruxelles pour Kanal centre Pompidou à Bruxelles. Dans ce travail j’ote les informations dans le plan de la ville et je le passe en monochrome mais plus encore je ne le regarde plus que comme un amas de formes afin de le ranger.

Pour la ZAT, vous avez travaillé sur la ville de Montpellier.

Oui, l’exposition 100 artistes dans la ville propose à chaque artiste des sites donc j’ai saisi l’opportunité de proposer un travail en lien avec le lieu même. Le plan étalé au sol de la Place St Roch reprend la topographie de Montpellier et des alentours. Le centre de la place se retrouve au centre du dessin. Pour la réalisation de la peinture, il a fallu 6 jours de travail avec 10 personnes présentent sur le chantier. C’est un groupe d’étudiant.e.s de l’ESBAMOCO qui a réalisé le dessin et je les remercie encore, en particulier Margaux Horel qui a pris les choses en main et a gérer entièrement le chantier.

Que pensez-vous de la place et de l’investissement que le ville offre à l’art contemporain ?

C’est une très bonne nouvelle. Le MOCO va faire la part belle aux arts plastiques et on ne peut que s’en réjouir.

Comment voyez-vous l’art contemporain aujourd’hui ? Il a toujours été plus ou moins décrié. Certains l’adorent, d’autres regrettent l’époque du beau et de l’art engagé.

Je ne pense pas que l’art ne soit pas engagé. il l’est tout d’abord en étant ancré dans sa contemporanéité. En ce qui concerne l’engagement plus « voyant », plus « politique » il y a beaucoup d’artistes « visiblement » engagés en Amérique du Sud, au Maghreb et autres… Peut-être que notre histoire locale est actuellement moins intense que la leur, et cela se reflète dans nos production. Mais l’art et l’artiste sont de toute évidence toujours engagés dans leur contexte quand bien même la forme est moins frontale. Pour ce qui est du beau,ce n’est pas une préoccupation essentielle de l’art contemporain tout du moins pas comme on l’entend dans l’artisanat, mode ou le design. c’est le sens qui va prévaloir, même si ce sens passe par une forme, celle-ci est généralement au service de la pensée et de la poésie. Quand j’entends que les artistes se moquent des visiteurs je n’y crois pas une seconde, cette vie est un engagement dans le travail et je n’en connais pas qui prennent le parti de produire des choses auxquels ils ne croient pas. Il y a toujours une prise de risque dans un travail plastique et on n’est pas a l’abri de se tromper, de rater une proposition mais je ne pense pas que ce soit volontaire. Comme on peut passer à coté de l’intêret d’une musique ou d’une pièce de théâtre si on ne se penche pas réellement dessus. Je ne suis pas du tout mélomane, je ne connais pas grand-chose à la musique et de fait elle me paraît souvent inintéressante mais je ne suis pas dupe et sais que c’est mon inculture qui me la fait paraître sans intérêt. Cela vaut pour l’art il faut se pencher sur la question pour y trouver du sens.

ZAT 2019, Vernissage vendredi 7 juin 19h (exposition du 8 juin au 28 juillet).

Thibault Loucheux-Legendre

Après avoir étudié l'histoire et le cinéma, Thibault Loucheux-Legendre a travaillé au sein de différentes rédactions avant de lancer Snobinart et de se spécialiser dans la critique d'art contemporain. Il est également l'auteur de plusieurs romans.

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Par Thibault Loucheux-Legendre Rédacteur en chef / Critique d'art
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