Alors que beaucoup d’entre nous sont habitués au white cube, il est peu aisé d’organiser une exposition en-dehors de cet espace de confort, surtout quand le lieu choisi est aussi chargé d’histoire que l’est le Palais des Papes. Ce sont donc les œuvres baroques d’Eva Jospin qui ont été choisies pour l’édifice gothique. L’artiste n’est pas à son premier coup d’essai, elle qui avait déjà investi l’abbaye de Montmajour à Arles en 2020, ou encore le « chargé » Musée de la Chasse et de la Nature à Paris en 2021. Eva Jospin fait certainement partie des artistes contemporaines françaises les plus talentueuses… Au fur et à mesure des années, elle s’est créé un univers propre dans lequel se confondent les matières et les formes.
Si Eva Jospin aime réaliser différentes œuvres avec des matériaux divers (on pense notamment à ses sublimes tentures brodées au fil de soie, à cetincroyable lustre en laiton et verre, ou encore ses forêts de fiction en bois…), elle s’est fait connaître surtout grâce à ses sculptures en carton. C’est avec des créations réalisées dans cette matière qu’elle a sublimé le défilé de la maison Dior aux Tuileries grâce à ses décors baroques et poétiques en 2022. En utilisant ce médium, nous avons affaire à une désacralisation du matériau qui offre pourtant des œuvres se rapprochant du sacré. On pense à l’histoire, au conte, à la fiction, au mythe, au rêve, au surnaturel… On ressent une profonde envie de plonger à l’intérieur de ces forêts et de ces constructions comme Alice suit le lapin blanc dans son terrier.
Il faut dire aussi que le décor du Palais des Papes et la scénographie des œuvres nous immerge astucieusement dans l’univers de l’artiste. En effet, Palazzo est construite à la fois comme un dialogue avec le lieu mais aussi comme un parcours qui invite le visiteur à une déambulation onirique. C’est une exposition que se découvre comme une rêverie dans une ambiance solennelle. Les premières pièces sont petites par leur taille mais se méritent. Il faut les chercher dans ce labyrinthe qu’est le Palais des Papes. Une fois trouvées, on découvre qu’elles sont placées comme des idoles devant lesquelles le visiteur vient les admirer. On y découvre la finesse de l’exécution de l’artiste, chaque recoin faisant jaillir un mouvement, racontant une histoire, et offre ainsi à la pièce toute sa vitalité. Au fur et à mesure du parcours, les œuvres grandissent jusqu’à la découverte sublime des trois sculptures monumentales exposées dans la Grande Chapelle.
Il est intéressant que l’exposition d’Eva Jospin se déroule en même temps que celle de Germaine Richier au Musée Fabre tant les deux sculptrices partagent des points communs. Chacune d’entre elles travaille autour de la nature, de sa représentation, de l’humanité, de son l’histoire, du végétal, du minéral, tout en créant sa propre mythologie.