Mucha, Maître de l’Art nouveau

C’est un artiste à part qui a marqué le monde de l’art au tournant du XXe siècle. Considéré par beaucoup comme « le Maître de l’Art nouveau », réduire Alphonse Mucha à ce mouvement caractéristique de la Belle Époque serait une erreur. Mucha était aussi un artiste engagé pour un art social et novateur, un fervent patriote attiré par le spiritisme. Son œuvre est éclairée à l’Hôtel de Caumont et organisée en collaboration avec la Fondation Mucha jusqu’au 24 mars. L’exposition Mucha, Maître de l’Art nouveau, nous invite à redécouvrir la carrière d’un artiste mondialement connu.

Thibault Loucheux-Legendre
Thibault Loucheux-Legendre  - Rédacteur en chef / Critique d'art
7 mn de lecture

Après avoir réalisé plusieurs monographies d’artistes (d’Yves Klein ou Max Ernst pour ne citer que les dernières), l’Hôtel de Caumont poursuit ces mises en lumière individuelles en consacrant l’entièreté de ses salles d’exposition à un artiste majeur de la fin du XIXe et du début du XXe siècle. Il est certain qu’Alphonse Mucha, Maître de l’Art nouveau est une exposition qui trouve superbement sa place dans le style de l’hôtel particulier de la rue Joseph Cabassol à Aix-en-Provence. Les affiches et toiles de l’artiste d’origine tchèque se marient à la perfection avec la richesse décorative du lieu.

Si certains ignorent son nom, la plupart connaissent son style unique et immédiatement reconnaissable qui a radicalement changé la vision de l’art de son époque : « Cet artiste prolifique et visionnaire a révolutionné le rapport à l’art de ses contemporains en appliquant son esthétique, si caractéristique, à de multiples domaines comme les affiches, la publicité, la décoration intérieure ou encore le théâtre de la Belle Époque. À travers près de 120 œuvres provenant de la Fondation Mucha, cette exposition met en lumière toute la splendeur et l’évolution du style Mucha où mysticisme, symbolisme, identité slave et beauté se côtoient ». Si l’on réduit souvent Alphonse Mucha à l’Art nouveau, l’exposition nous fait découvrir les différentes facettes qui ont participé à créer sa légende.

La muse Sarah Bernhardt

« Monsieur Mucha, vous m’avez rendue immortelle » – Sarah Bernhardt

Alphonse Mucha est né en 1960 dans le sud de la Moravie. La période qu’il vit durant son enfance correspond à l’apogée de la Renaissance nationale tchèque, ce qui le marque et lui confère une conscience nationaliste. Il quitte son pays pour se former à Vienne au début des années 1880 comme peintre de décors de théâtre, puis rejoint les Beaux-Arts de Munich, avant d’atterrir dans la capitale française en 1887 où il suit un enseignement dans les académies Julian et Colarossi. Il se lance dans une carrière d’affichiste avec brio, ce qui lui vaut d’être embauché par la maison d’édition Armand Colin. La vie d’Alphonse Mucha change totalement à la fin de l’année 1894. Alors qu’il corrige des épreuves dans une imprimerie, il apprend que Sarah Bernhardt est mécontente de l’affiche de son nouveau spectacle Gismonda qui doit être joué au théâtre de la Renaissance qu’elle dirige. La comédienne exige d’avoir l’affiche avant le jour de l’an. À l’époque, Sarah Bernhardt est une immense star au sommet de sa gloire, c’est d’ailleurs pour elle que Jean Cocteau invente l’expression de « monstre sacré ». L’actrice fait alors appel aux services de Muchapour réaliser rapidement l’affiche et tombe sous le charme de la réalisation originale de l’artiste. Ce dernier signa avec Sarah Bernhardt un contrat desix ans, lui confiant la création de ses affiches, décors, costumes, illustrations… L’artiste magnifie la comédienne qui dit : « Monsieur Mucha, vous m’avez rendue immortelle ». Une admiration réciproque naît et la carrière de Mucha décolle. Il devient un artiste populaire et les parisiens s’arrachent ses affiches au style unique : des femmes aux courbes parfaites et aux longues chevelures qui s’épanouissent sur des couleurs pastel et entourées d’ornements naturels et d’arabesques. Ces créatures à la beauté magnétique et mystérieuse, Mucha les décline à l’infini.

Un artiste engagé

À son arrivée à Paris, Mucha se spécialise dans l’illustration de revues, de livres, journaux… et se rapproche des artistes et intellectuels qui débattent autour de « l’art pour le peuple ». Ensemble, ils s’interrogent sur la possibilité de transformer la société par la culture. Très attaché à la cause artistique, il a l’ambition d’élever le peuple par un art libérateur. Mucha développe ainsi un style décoratif et accessible, à la portée du plus grand nombre. En 1902, il publie un « manuel de motifs » à l’intention des artisans et fabricants. Après avoir conquis la France avec ses fameuses affiches et ses panneaux décoratifs, il part aux États-Unis en espérant se faire connaître pour ses peintures… mais son succès d’affichiste le rattrape. À la fin de sa vie, Mucha s’installe à Prague, souhaitant partager son art et ses engagements artistiques à son pays natal. C’est ici qu’il réalise L’Épopée Slave entre 1911 et 1928, un ensemble de vingt toiles monumentales symbolisant l’unité du peuple slave contre l’oppression. Ces croyances d’union et d’humanisme lui valent une grande méfiance de la part des nazis et un interrogatoire de la Gestapo dès l’entrée des troupes allemandes à Prague. Il meurt quelques mois plus tard, en 1939.

Têtes byzanthines : Blonde (1897), lithographie en couleurs, 34,5 x 28 cm – Photo : Thibault Loucheux-Legendre / Snobinart

Une exposition esthétique et historique

L’exposition Mucha, Maître de l’Art nouveau nous offre un véritable panorama de la vie d’Alphonse Mucha. C’est l’occasion pour les visiteurs de redécouvrir ces œuvres que nous avons tous vu passer à un moment donné de notre existence. Elle permet de se rendre compte de la spécificité des formats, mais également d’accorder plus d’attention aux détails de la signature visuelle de son créateur. Si nous connaissons tous les affiches publicitaires et panneaux décoratifs de Mucha, l’exposition nous propose également de découvrir ses peintures qui ont été rarement montrées ou encore d’admirer ses talents de photographe. Si la puissance esthétique de Mucha confère un intérêt évident à l’exposition, ses détracteurs les plus curieux accorderont tout de même de l’attention à sa dimension historique. Nous vivons la fin du XIXe siècle et le début du XXe à travers l’un de ses personnages les plus singuliers. Les panneaux ne sont pas des panneaux, les affiches ne sont pas des affiches, les tableaux ne sont pas des tableaux… par leur côté universel, les créations de Mucha sont devenues les témoins d’une époque.

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Par Thibault Loucheux-Legendre Rédacteur en chef / Critique d'art
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Après avoir étudié l'histoire et le cinéma, Thibault Loucheux-Legendre a travaillé au sein de différentes rédactions avant de lancer Snobinart et de se spécialiser dans la critique d'art contemporain. Il est également l'auteur de plusieurs romans. 06 71 06 16 43 / thibault.loucheux@snobinart.fr
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