Le Nouveau Réalisme à l’honneur pour les 30 ans de Carré d’art

En cette année 2023, Nîmes célèbre les 30 ans de Carré d’art. L’occasion pour la cité des Antonins de mettre en avant ses collections à travers l’exposition La Mélodie des choses aux deuxième et troisième étages du musée. Parmi les pièces exposées, le Nouveau Réalisme détient une belle place avec des œuvres de César, Arman, Yves Klein ou encore Niki de Saint Phalle. L’occasion pour nous de redécouvrir ces artistes à travers les créations acquises par la structure culturelle Nîmoise.

Thibault Loucheux-Legendre
Thibault Loucheux-Legendre  - Rédacteur en chef / Critique d'art
7 mn de lecture

YVES KLEIN ET LA QUETE DU BLEU INFINI

Si Yves Klein est considéré comme le point de départ du Nouveau Réalisme par Pierre Restany, on retrouve cette cohérence dans l’exposition nîmoise La Mélodie des choses où l’une de ses œuvres ouvre la salle sur le courant des années 1960. Point de bleu d’outremer dans les collections nîmoises, mais… du rose ! (avec l’oeuvre  RE 44 de 1960) Avant de se faire connaître avec son célèbre IKB (International Klein Blue), l’artiste niçois créer des monochromes de couleurs différentes. Ce fils d’artistes souhaite d’abord faire une carrière de judoka, avant de se tourner définitivement vers l’art en 1954. Après avoir exploré des monochromes de différentes couleurs (roses, dorés…), Yves Klein opte pour une variante du bleu outremer qu’il nomme IKB à la fin de l’année 1956. Klein voit l’oeuvre d’art comme une empreinte de la communication entre l’artiste et le monde. Pour lui, l’artiste se doit de rendre visible la beauté invisible du monde. Par beaucoup d’aspects, Klein se rapproche du dandysme. S’il est animé par l’art, il est également soucieux de faire de sa propre vie une œuvre d’art. Il développe une nouvelle démarche conceptuelle, pensant que « l’art est partout où l’artiste arrive ». Son aventure monochrome est perçue comme une quête d’infini et d’immatérialité. Comme beaucoup de dandys, il meurt jeune (d’une crise cardiaque) à 34 ans. 

LE COUPLE NIKI DE SAINT PHALLE / JEAN TINGUELY

À côté de l’œuvre RE 44 d’Yves Klein, nous découvrons la Composition à la trottinette « Tir à la carabine » de Niki de Saint Phalle. Ecoféministe avant l’heure, l’artiste a construit une œuvre engagée et féministe. Traumatisée par son père abusif, elle utilise l’art comme une thérapie mais aussi pour défendre la cause des femmes et commencer à alerter sur les conséquences des activités de l’homme sur la nature bien avant que la problématique écologique soit un sujet. Niki de Saint Phalle est connue pour ses « Tirs » (ensemble de tableaux performances dans lesquelles elle insère des objets divers dans du plâtre et glisse des sachets de peintures de couleurs qu’elle perce en tirant des balles) ainsi que ses sculptures « Nanas ». Après avoir quitté son premier mari en 1960, l’artiste s’installe avec Jean Tinguely , lui aussi protagoniste du Nouveau Réalisme. Tinguely réalise des sculptures et tableaux animés. Ces machines interrogent le savoir-faire ainsi que la relation de l’artiste à la technique

DANIEL SPOERRI ET LE PIÉGEAGE D’OBJETS

Deux œuvres de Daniel Spoerri sont présentées à l’occasion des 30 ans de Carré d’art : L’Archet de violon (1962) et Philémon et Baucis (1970). Plasticien suisse d’origine roumaine, Spoerri réalise des « tableaux pièges » souvent liés aux aliments et à la commensalité. L’idée est de proposer aux convives de partager de la nourriture avant que Spoerri ne vienne fixer les éléments là où ils sont placés à la fin des réjouissances. Durant le repas, les objets changent de place presque inconsciemment mais en conservant une certaine logique. Spoerri utilise alors une colle forte pour figer les verres utilisés, les assiettes vides, les restes de repas, les cendriers et les mégots…

« Portrait de Jacques de la Villeglé à fonction variable et accumulable » d’Arman (1965) – Photo : Thibault Loucheux / Snobinart

LES ACCUMULATIONS D’ARMAN

Arman était ami avec Yves Klein depuis sa jeunesse. « Artiste du dimanche » comme le définit Restany dans les années 1950, Arman connaît une ascension artistique un peu par hasard… Arman travaillait avec son père dans une entreprise de meubles à Nice et s’amusait à remplir des feuilles blanches d’empreintes de tampons. En pratiquant ce geste répétitif, il interroge l’espace. C’est ainsi que ses accumulations sont nées. En réalisant cette pratique, Arman s’inspire du principe d’accumulation de son époque qui inclut la production, la consommation, la destruction… comme un reflet de la surproduction industrielle d’après-guerre. En accumulant, Arman retire à l’objet sa fonction initiale pour s’intéresser à la notion de quantité. En parallèle, Arman s’intéresse également à la destruction, la désarticulation et à la combustion en réalisant ses Colères. Ces dernières sont des objets (souvent des instruments de musique) détruits de manière plus ou moins prévue. L’exposition à Carré d’art compte une pièce d’Arman qui s’intitule Portrait de Jacques de la Villeglé à fonction variable et accumulable, une œuvre en 3 dimensions réalisée en 1965 à partir d’assemblage d’effets et objets personnels dans une boîte. Elle fait partie de sa série « portrait robot » dans laquelle des objets usagés sont disposés de façon aléatoire afin de retracer une archéologie personnelle.

LES DÉCOLLAGISTES RAYMOND HAINS, JACQUES VILLEGLÉ, FRANÇOIS DUFRÊNE…

Si le cubisme avait initié le collage, les Nouveaux Réalistes vont pratiquer le décollage. C’est le cas des deux amis Raymond Hains et Jacques Villeglé ainsi que du poète François Dufrêne. S’ils n’ont pas tous une pratique identique, le principe est d’arracher entièrement ou partiellement des sections d’une image originale (comme des affiches…). Une nouvelle fois, c’est une façon de s’approprier le réel tout en créant une sorte de beauté aléatoire. Chacun de ces trois plasticiens est représenté dans l’exposition La Mélodie des choses : Raymond Hains avec son œuvre Panneaux d’affichage sur tôle (1960- 1965), Jacques Villeglé avec Bleu d’août (1961) et enfin François Dufrêne avec La Rouille et la Tour Eiffel (1967).

(Nous ferons bientôt un focus sur le sculpteur César ndlr.)

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Par Thibault Loucheux-Legendre Rédacteur en chef / Critique d'art
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Après avoir étudié l'histoire et le cinéma, Thibault Loucheux-Legendre a travaillé au sein de différentes rédactions avant de lancer Snobinart et de se spécialiser dans la critique d'art contemporain. Il est également l'auteur de plusieurs romans. 06 71 06 16 43 / thibault.loucheux@snobinart.fr
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