Immersion dans l’univers captivant de Pauline Curnier Jardin au CRAC

Thibault Loucheux-Legendre
Thibault Loucheux-Legendre  - Rédacteur en chef / Critique d'art
4 mn de lecture

Depuis juillet et jusqu’au 8 janvier, Pauline Curnier Jardin investit le rez-de-chaussée du CRAC. Il n’en fallait pas moins pour découvrir ses immenses installations immersives. Inutile de tourner autour du pot, il s’agit de l’une des meilleures expositions de l’année sur notre territoire.

Plasticienne, cinéaste et performeuse, Pauline Curnier Jardin est née en 1980 à Marseille. Artiste aux multiples références, c’est dans ces sources qu’elle tire sa singularité. Inspirée autant par l’histoire, la mythologie, les religions, le conte que par le cinéma (horreur, Série Z), Pauline Curnier Jardin revisite ces références pour créer des figures s’opposant les stéréotypes.

Il est difficile de ne pas pénétrer dans l’univers de l’artiste tant nous y sommes immergés dès la première salle. Une installation monumentale intitulée Fat to Ashes (qui avait été présentée en 2021 au Hamburger Bahnhof de Berlin) représente une arène romaine. Il se dégage de cette construction des bruits difficilement discernables, provoquant une impression à la fois étrange et inquiétante. C’est perturbé dans nos sens que nous avançons vers la structure pour découvrir à l’intérieur un écran diffusant un film que l’artiste a réalisé en montant des séquences tournées en super 8 et donnant à voir différents récits entrelacés (comme les processions à Sainte Agathe à Catane, le carnaval de Cologne et la tuaille du cochon). L’euphorie des images nous plonge dans l’arène. La vidéo montre des rituels sauvages et nous sommes alors spectateurs du jeu des images, comme les Romains se défoulaient devant les combats de gladiateurs.

Habituellement peu réceptif à la vidéo dans les expositions, il faut admettre que les images de l’artiste sont captivantes. Par la suite, nous découvrons une nouvelle oeuvre audiovisuelle de l’artiste qui ne nous a pas laissés insensibles : le film Lucciole. Plongés dans une obscurité absolue, nous découvrons sur l’écran un groupe de femmes au bord d’une route en pleine nuit qui apparaît et disparaît au gré de l’enchaînement des plans et de la lumière. Ces femmes, ces travailleuses du sexe, ce sont elles les lucioles. On peut trop souvent oublier que capter des images c’est avant tout savoir maîtriser la lumière… Pauline Curnier Jardin ne l’oublie pas. Bien au contraire, la lumière est parfaitement disciplinée. L’esthétique en clair-obscure, la puissance de la femme et l’effroi à l’italienne qui se dégage de la pièce nous rappellent les premiers films de Dario Argento.

Grotta Profunda Approfundita de Pauline Curnier Jardin – Photo : Thibault Loucheux / Snobinart

Enfin, nous pénétrons dans la dernière pièce à travers une main géante qui renferme une « grotte placenta ». Nous y sommes invités à découvrir un film s’inspirant de Bernadette Soubirou. L’artiste déconstruit cette histoire religieuse avec une vision burlesque, étrange et extravagante.

Une exposition féministe, insolente et immersive qui n’hésite pas à nous sortir de notre zone de confort. Nous sortons autant bousculés qu’admiratifs après ce voyage sensoriel.

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Par Thibault Loucheux-Legendre Rédacteur en chef / Critique d'art
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Après avoir étudié l'histoire et le cinéma, Thibault Loucheux-Legendre a travaillé au sein de différentes rédactions avant de lancer Snobinart et de se spécialiser dans la critique d'art contemporain. Il est également l'auteur de plusieurs romans. 06 71 06 16 43 / thibault.loucheux@snobinart.fr
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