Entre imaginaire et réalité, Raphaël Barontini éblouit au Palais de Tokyo

Il y a quelques jours, le Palais de Tokyo nous faisait découvrir sa nouvelle programmation. Parmi les quatre expositions présentées, « Quelque part dans la nuit, le peuple danse » de Raphaël Barontini se singularise par la pertinence de son propos, la richesse de ses œuvres et la puissance de sa scénographie.

Thibault Loucheux-Legendre
Thibault Loucheux-Legendre  - Rédacteur en chef / Critique d'art
5 mn de lecture

A la fin de l’année 2023, Raphaël Barontini investissait le Panthéon en présentant des œuvres prenant la forme d’une installation monumentale et qui évoquaient l’histoire et la mémoire des combats contre l’esclavage. L’artiste est de retour avec une exposition d’envergure au Palais de Tokyo qui s’intitule Quelque part dans la nuit, le peuple danse. Ce titre est tiré de la pièce de théâtre La tragédie du roi Christophe d’Aimé Césaire que l’artiste a découvert durant ses études aux Beaux-Arts de Paris. Cette œuvre publiée en 1963 se déroule à l’aube du XIXe siècle, lorsque le peuple haïtien se trouve face au défi de la construction d’une nouvelle nation après avoir subi l’esclavage et la colonisation française, tout en s’intéressant au premier roi d’Haïti, le roi Christophe.

Il m’arrive de dire que les expositions les plus simples sont souvent les meilleures… Il n’est jamais évident de parvenir à réunir complexité, richesse et réussite dans un équilibre parfait. Celui ou celle qui accède à la réunion de ses trois qualités doit s’attendre à compter. C’est avec brio que Raphaël Barontini y parvient, se plaçant ainsi parmi les artistes les plus talentueux de sa génération. Si la France découvre son talent depuis quelques années, cela fait une décennie que les Américains lui ont accordé la place qu’il mérite dans leurs institutions.

Dans Quelque part dans la nuit, le peuple danse, Raphaël Barontini se saisit du thème épineux de la colonisation, qui trouve désormais son intérêt dans les institutions françaises. Ne s’attardant pas à le prendre le sujet avec des pincettes, l’artiste s’empare de cette partie de l’histoire de notre pays, n’hésitant pas à la réécrire entre réalité et fiction. Avec une multitude des médiums, des formes et de pratiques (peinture, sérigraphie, numérique, couture, broderie…), Raphaël Barontini s’est créé un style immédiatement identifiable qui ne néglige pas l’esthétique. Là où la puissance du sujet peut parfois desservir la forme, il n’en est rien ici. Ses pièces sont majestueuses, belles et puissantes, en témoigne l’œuvre qui nous accueille à l’entrée de l’exposition. Ses pièces se situent toujours dans un entre-deux, jouant avec les collages, l’hybridation, les nuances… et trouvant l’équilibre dans la relecture, les détournements et les déplacements. Les arts et les savoir-faire (théâtre, danse, couture…) vont et viennent, offrant au visiteur une célébration esthétique et lui faisant oublier qu’il s’agit d’un récital pour toucher l’universel. Le Palais de Tokyo nous explique : « L’artiste Raphaël Barontini opère une relecture de l’Histoire, notamment africaine et caribéenne, en proposant des narrations vivantes et mouvantes qui allient techniques contemporaines et archives du passé. Il questionne la figuration et la tradition de la peinture classique avec une sélection d’œuvres récentes ou créées spécialement pour son exposition au Palais de Tokyo. » La réussite de cette exposition touche son aboutissement dans une mise en espace remarquable, foisonnante, flamboyante et immersive, que cela soit à l’entrée de l’exposition avec la pièce mentionnée précédemment, ou dans les salles d’exposition.

Avec cette exposition, Raphaël Barontini ne laisse pas indifférent et parviendra à résoudre cette équation si précieuse : attirer l’attention des passionnés et des profanes.

Le 12 avril prochain, Raphaël Barontini présentera une performance inédite intitulée Bal Pays au Palais de Tokyo.

Raphaël Barontini est né en 1984 à Saint-Denis où il vit toujours. Après avoir été étudiants aux Beaux-Arts de Paris, le plasticien a exposé dans de nombreuses institutions, en France (MAC VAL à Vitry-sur-Seine, MO.CO à Montpellier) mais aussi à l’étranger (Museum of African Diaspora de San Francisco, New Art Exchange Museum à Nottingham, Museum of Arts and Design de New York). Quelque part dans la nuit, le peuple danse est sa première exposition d’envergure en France, après avoir été salué aux Etats-Unis.

Quelque part dans la nuit, le peuple danse
Raphaël Barontini
Palais de Tokyo (Paris)
Jusqu’au 11 mai 2025

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Par Thibault Loucheux-Legendre Rédacteur en chef / Critique d'art
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Après avoir étudié l'histoire et le cinéma, Thibault Loucheux-Legendre a travaillé au sein de différentes rédactions avant de lancer Snobinart et de se spécialiser dans la critique d'art contemporain. Il est également l'auteur de plusieurs romans. 06 71 06 16 43 / thibault.loucheux@snobinart.fr
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